© PHOTO. Didi B (rappeur ivoirien au top)
Publié : 09 June, 2024

CHRONIQUE | Quand la Guinée cédait sa couronne de rap africain à la Côte d'Ivoire

 

Entre les années 90 et 2000, la Guinée était perçue comme un leader du rap francophone en Afrique, après le Sénégal avec ses groupes tels que Positive Black Soul (PBS), Daara-J, etc. C'est un fait établi, même si la Côte d'Ivoire s'est également fait remarquer à cette époque grâce à des grands noms comme le groupe "Flotte impériale" de Stezo, MC Cliver, Kadjim, M.A.M, puis la génération d'Almighty qui a suivi.

 

L'histoire et les archives médiatiques témoignent de la prédominance du rap guinéen, avec des mouvements tels que le MRK (Mouvement Rap Koulé) et des compiles de grande portée ainsi que de grands festivals comme "RAP AUSSI" qui attiraient les foules à Conakry. On dénombrait à l'époque une centaine de groupes et rappeurs solo actifs. 

 

Selon les classements de la Fédération internationale du hip-hop, la Guinée se positionnait quatrième, derrière les États-Unis, la France et le Sénégal.

 

Il faut savoir que malgré cette prédominance, le rap guinéen souffrait d'un manque d'infrastructures, notamment de studios d'enregistrement professionnels et de canaux de diffusion adéquats. C'est pourquoi de nombreux premiers albums à succès du rap guinéen ont été produits au studio JBZ d'Abidjan, à l'exception de "Foré Bôma" de Kill Point enregistré à Dakar. Dans les années 2000, la deuxième vague du mouvement hip-hop guinéen a également dû se rendre au Sénégal pour enregistrer.

 

Les scènes rap guinéenne et ivoirienne présentaient des différences notables. Le rap ébrié était principalement festif et commercial, sous l'influence du régime libéral d'Houphouët-Boigny. En revanche, le rap guinéen était davantage underground, hardcore, engagé et revendicatif, dans un objectif de déstabilisation du régime militaire de Lansana Conté et de conditionner le mental de la jeunesse ivre de changement et d'emploi.

 

Au fil des années, la Côte d'Ivoire a su s'imposer comme la nouvelle référence du rap francophone en Afrique de l'Ouest. Une nouvelle génération de rappeurs comme Didi B, Black K, KS Bloom et Suspect 95 a connu un énorme succès commercial et a attiré de larges audiences, même en dehors de la sous-région.

 

Parallèlement, le rap guinéen, confronté à un manque d'industrie et de mobilisation pour le revitaliser, traverse une période difficile. Les vrais festivals ont disparu, les sponsors se font rares, les maisons de production ferment et de nombreux artistes se retrouvent sans espoir, poussant certains à l'exil ou à se tourner vers d'autres activités. Bien que certains jeunes talents émergents tentent de redonner à la scène rap guinéenne son influence passée, les défis restent importants.

 

Chronique de Sita CAMARA

© Sitanews

 

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