Balthazard Dy/ Photo Fecbk
29 December, 2025

"Sougué Taa" fait débat : Balthazard Dy s’explique – Lisez cette interview sans filtre [Exclusif]

 

Provocateur pour certains, lucide pour d’autres, Balthazard Dy assume son art sans détour. Le rappeur, chanteur, ingénieur du son et compositeur guinéen installé en France, revient sur son parcours, son rapport au jugement et la tempête déclenchée par son titre “Sougué Taa”. Entre franchise et convictions, il se livre sans filtre dans un échange vif et sans concessions dans les colonnes de SITANEWS.


 

Les Guinéens t’ont découvert très soudainement. Comment ressens-tu les premières impressions et réactions ?

 

Balthazard Dy

"Je suis dans l’industrie depuis quelques années. Les artistes et les musiciens me connaissent déjà, car, à la base, je suis ingénieur du son, auteur et compositeur pour d’autres artistes. Mais le grand public, lui, m’a surtout découvert à travers mes séries de freestyles publiées sur Internet et un beef avec un rappeur de la place.

 

Ensuite, j’ai tracé mon petit chemin. Je sais que mon art choque, parce que je pense un peu out of the box, sans prétendre dire que ce que je fais est unique. Mais ce que je propose est une alternative musicale à laquelle les Guinéens ne sont pas habitués. Leurs réactions me paraissent donc tout à fait compréhensibles. Parfois même, je m’amuse à les anticiper — et souvent, elles sont exactement celles que j’attends. Mais cela ne m’ébranle pas."

 

Comment vis-tu le fait que tes textes suscitent autant de débats et d’émotions ? Cherches-tu à provoquer ou à susciter une réflexion particulière ?

 

Balthazard Dy

"Pour moi, l’essentiel, c’est de faire vivre une expérience sociale aux auditeurs : pousser les gens à la réflexion, à poser un débat — surtout dans une société où beaucoup de sujets restent tabous.

 

En tant que jeune, dès que je parle d’engagement, on me dit : « Non, ne touche pas à la politique, éloigne-toi de ça. » C’est pareil pour la religion ou d’autres sujets sensibles : on décrète que les jeunes ne doivent pas s’exprimer là-dessus. Moi, au contraire, je pense qu’on doit en parler.

 

Quand je m’exprime sur des questions sensibles, on me traite de provocateur ou on dit que je cherche le buzz. Or, avant tout, je suis un citoyen, et j’ai le droit de poser certains sujets sur la table. C’est comme ça que certaines sociétés ont évolué : à un moment, des hommes ont osé s’attaquer aux vraies questions. C’est ce que je veux faire en Guinée : faire bouger les choses à travers mes idées, mes créations artistiques, mes œuvres."

 

Parlons de ton dernier titre, “Sougué Taa”, qui soulève des poussières. Pourquoi avoir choisi un format d’expression aussi direct, sans filtre ?

 

Balthazard Dy

"Je suis, de base, direct et sans filtre. Parce que le monde a été direct avec moi — sans filtre. Imaginez : quand, à 8 ou 9 ans, on te crache à la gueule et qu’on te dit que tu n’es « pas comme les autres », tu ne peux qu’être aussi direct et sans filtre. J’ai grandi dans un environnement où, malgré le fait d’être noir, d’avoir des parents noirs, j’ai connu l’exclusion. Cela m’a rendu pragmatique. Oui, je suis pragmatique.

 

On tue des gens au Congo pour du cobalt. On viole des femmes pendant les guerres. Chez nous, certains couchent avec des jeunes filles de 15 ans. Ce sont des réalités dures, mais bien réelles. Alors, qu’est-ce que moi je pourrais dire de plus choquant que ce qui existe déjà ? Beaucoup confondent « injure » et « langage cru ». Moi, je suis cru, pas insultant. Si c’est vert, je dis que c’est vert. Je ne vois pas la vie avec des strass et des paillettes : je la vois telle qu’elle est."

 

Après la sortie de “Sougué Taa” et la polémique qu’il a provoquée, te sens-tu incompris ?

 

Balthazard Dy

"Je m’attendais à des réactions. D’ailleurs, si les gens m’avaient compris à la sortie de ce morceau, je dirais que j’aurais échoué à ma mission : celle de poser un débat. Quand on pose un débat, il y a très souvent des avis divergents. Alors, la réaction des gens prouve suffisamment que ce que je dis est une réalité."

 

Le clip à (re)voir ici >> https://urls.fr/3j4Bp_

 

Lorsque tu écrivais « Sougué Taa », appréhendais-tu déjà certaines craintes, sachant que tu t’adresses quand même à l’élite guinéenne ?

 

Balthazard Dy

"Je l’exprime dans le morceau : « La chefferie est haute et lourde, mais le chef n’est pas un homme-Dieu, c’est un simple serviteur du peuple. » En Guinée, certains se disent élites, mais élites par rapport à quoi ? Peut-être selon des codes établis : avoir un diplôme d’un grand établissement, par exemple. Or, beaucoup ont de beaux diplômes, sans pour autant être réfléchis.

 

Si, demain, tout devait se faire en soussou, en malinké ou en poular [dialectes guinéens NDLR], nombre d’entre eux deviendraient automatiquement illettrés, car ils n’auraient pas su dealer avec les réalités du pays. Donc, quand je m’adresse à eux, je le fais d’égal à égal. Je ne suis pas mieux qu’eux, ils ne le sont pas non plus. Je pousse simplement les gens à la réflexion.

 

Je pourrais aussi faire les louanges des hommes en place, pour essayer de me trouver un petit trou et y rentrer. Mais je suis quelqu’un qui a des convictions et qui a encore foi en la Guinée — pas en son peuple. Parce que je pense que le peuple a un sérieux problème chez nous. Alors, je ne me bats pas pour ce peuple. Je me bats pour mes convictions. Ces convictions-là ne peuvent pas me rendre inquiet face à la prise de position que j’assume dans mes morceaux."

 

Depuis quelques heures, tu annonces un nouveau projet. Peut-on s’attendre encore à un autre « ouragan » ?

 

Balthazard Dy

"Tout dépendra de la façon dont les gens le recevront. "Sougué Taa" a ouvert un chapitre important. Ce titre m’a été inspiré par deux discussions avec une chanteuse guinéenne autour de la politique et de la fracture sociale dans notre pays. J’ai voulu faire vivre une expérience sociale aux gens.

 

Au regard des réactions, des injures et des menaces de mort que j’ai reçues de toutes parts, cela me donne la substance nécessaire pour mettre un point d’orgue à tout ce que j’ai commencé, en finir avec cela et me concentrer sur d’autres projets.

 

Je connais le Guinéen : il est très émotif. Il ne laisse pas toujours l’artiste s’exprimer librement ni commenter l’actualité à sa manière.

Concernant mon prochain projet, certains l’accueilleront bien, d’autres non. Mais ma mission n’est pas d’être compris par tous. Ma mission, c’est de créer une œuvre fidèle à ma vision et à mes convictions. Si un jour je me trompe, je saurai me remettre en question. En attendant, je vais à fond dans mes idées. Retenez que mon prochain titre, “Système”, mettra à nu d’autres aspects de la gestion du pays et des mentalités."

 

Avant de conclure cette interview, peux-tu nous parler brièvement de ton vécu en Guinée ?

 

Balthazard Dy

"Je viens de Sangarédi, dans la région de Boké, où j’ai grandi et fait ma socialisation primaire avant de voyager. Comme beaucoup de jeunes, j’ai quitté la Guinée faute de perspectives d’avenir. Mon pays ne me permettait pas, mentalement, de me développer et d’être une personne à part entière.

 

Aujourd’hui, je vis en France, où j’ai fait des études de comptabilité et de finances d’entreprise. Je suis aussi auteur, compositeur et ingénieur du son. Le cocon que j’utilise maintenant, c’est la voix du rap. Sinon, je suis chanteur, je joue de la guitare et du piano, je compose. J’ai déjà participé à des projets qui ont bien marché en Guinée. J’ai travaillé avec des artistes de renom.

 

Ce qui me pousse aujourd’hui à me concentrer sur ma carrière, c’est le fait que l’art que je proposais avec mes collègues artistes, mes aînés, ne parvenait pas à retranscrire ce que je voulais exprimer réellement. La preuve en est que, lorsque je fais des sorties, il y a autant de réactions.

 

Je pense que j’ai aussi cette singularité-là, ce qui crée pour moi la nécessité d’aller de l’avant. Aujourd’hui, je suis en autoproduction avec mon équipe. Je fais mon petit bout de chemin. Voilà, Sita."

 

Par SITANEWS

Diffusion exclusive 

 

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