Sékou Bembeya : « Nous avons besoin de matériel pour…»
Dans une interview exclusive accordée à nos confrères de Guinée Culture Magazine, le "Diamond Fingers" guinéen, Sékou Bembeya Diabaté, l’un des plus grands guitaristes virtuoses d'Afrique, évoque les ambitions qui l’animent pour la survie de son orchestre Bembeya Jazz National, un véritable blason et patrimoine de la culture guinéenne.
Malgré le poids de l’âge, Sékou Bembeya toujours passionné, affirme on cite : « Je vais tout faire pour ne pas que le Bembeya Jazz meurt, en tout cas, autant que je vis ». Lisez in extenso, cet entretien réalisé à Conakry.
Avant de parler de votre groupe, le « grand » Bembeya Jazz National, quelles sont les nouvelles vous concernant et vos amis ?
Personnellement, je me porte bien et en tant que chef d’orchestre du Bembeya, je m’occupe du groupe et je fais des répétitions pratiquement tous les jours avec les jeunes ici à la Paillote. En ce qui concerne les membres fondateurs beaucoup sont décédés, il ne reste plus que moi, Sékou Le Gros qui ne joue plus, et Salifou qui est malade depuis plusieurs années.
Où sommes-nous aujourd’hui avec le groupe Bembeya Jazz National de Guinée ?
Grâce à Dieu et à mon patriotisme, le groupe est en forme musicalement. Le groupe continue de jouer, on participe à des invitations. Quand on a besoin de nous, on répond et les gens sont très satisfaits mais on ne joue pas régulièrement dans un coin, ça dépend de l’endroit où on est convié.
Bembeya Jazz, est le seul orchestre national qui existe et fonctionne parmi les 4 formations nationales, parce que j’ai tout fait pour ne pas que le Bembeya meurt et il ne mourra pas tant que je vis.
Pouvez-vous dire que ce groupe qui a connu de belles années de gloire est aujourd’hui abandonné par les guinéens eux-mêmes ?
Nous disons merci beaucoup à l’État. Alpha Condé nous a honorés quand il est arrivé au pouvoir. Premièrement, il a décoré tous les membres de l’orchestre : jeunes comme anciens. Et deuxièmement, on a bénéficié des primes accordées aux anciennes gloires. Ce geste, nous a beaucoup touchés, c’est quelque chose de très positif. D’ailleurs, c’est grâce au Président Alpha Condé que cela est devenu une réalité, sinon ça faisait plus de 10 ans que ce projet de soutien traîne.
Recevez-vous régulièrement vos primes ?
Oui, je le reçois mais, ce n’est pas le cas pour tous les membres de l’orchestre notamment ceux qui sont décédés. Nous voulons que les familles de nos amis disparus puissent bénéficier de ces primes. On se bat pour ça aussi.
Au-delà de ces primes ? Bénéficiez-vous d’une autre assistance ?
Au-delà de ces primes et ces honneurs offerts par le Président de la République, l’État n’a rien fait pour le groupe. Actuellement, nous avons besoin de matériel et de moyens financiers pour raviver le groupe Bembeya. On a peu d’instruments de musique. Certains matériels sont gâtés suite aux coupures intempestives du courant qu’on subissait ici. Cela a gâté nos amplis. Je lance un appel aux autorités et à toutes les personnes de bonne volonté pour nous aider à trouver les moyens.
Pouvez-vous nous rappeler de ce que représentait Bembeya Jazz pour la Guinée et pour l’Afrique toute entière ?
Bembeya a été le plus grand orchestre reconnu en Afrique. Par exemple, lors de la célébration des 50 ans de l’OUA, il y a eu 4 décorations, tout à l’honneur de la Guinée.
Premièrement, le chef de l’État guinéen, Ahmed Sékou Touré a été sacré Meilleur Président des Pays Africains Indépendants - deuxièmement le Secrétaire général de l’OUA, Diallo Telli a été honoré - troisièmement la première femme africaine qui a siégée à l’ONU, Jeanne Martin Cissé et sur le plan culturel, c’est le groupe Bembeya Jazz qui a été décoré. Mais malheureusement, cette décoration symbolique du groupe n’a pas été célébrée en Guinée jusqu’à présent.
Quels sont les beaux souvenirs que vous gardez encore de ces belles époques du Bembeya Jazz ?
J’ai beaucoup de souvenirs notamment : notre séjour à Bamako en 1972, il y a le Burkina Faso, Abidjan et le Nigeria, il n’y a pas mal de pays où on a laissé un très bon souvenir.
Bembeya Jazz était un exemple, parce que le groupe donnait de la bonne musique qui faisait bouger tout le monde. Surtout, on avait un chanteur comme Aboubacar Demba Camara (Paix à son âme), il a apporté quelque chose qui n’existe pas encore, de l’ambiance sur la scène et cela nous a aidés à triompher. Dans les grands festivals, on a jamais baissé la tête, puisque souvent, on était premier ou parmi les meilleurs de l’événement auquel nous participions.
Avez-vous certainement des initiatives pour la relève de cet orchestre légendaire ?
En Afrique, le Bembeya Jazz est le seul orchestre qui continue à jouer puisque les autres ne fonctionnent plus. Pour la relève, j’ai trouvé un jeune qui peut me remplacer. Aujourd’hui, je peux m’asseoir et regarder les jeunes jouer le répertoire du Bembeya et ils le font correctement. Alors maintenant, Bembeya peut jouer sans Sékou.
J’ai un projet d’albums avec le groupe mais, il faut avoir les moyens de faire la promotion de nos albums à travers des tournées en Guinée et à l’étranger. Je profite de votre micro pour lancer une nouvelle fois un appel au Président de la République, Alpha Condé et aux hommes d’affaires pour nous aider.