Salut Singleton. Que devons-nous savoir de ton nouvel opus ?
C’est un album de 10 titres. Il est cuisiné en grande partie en Guinée, et un peu en France. Tout le monde sait que j’ai la capacité d’en faire plus. Mais cette fois, j’ai décidé de faire un album entièrement commercial. C’est-à-dire revenir à mon ancien style comme dans « Moto Taxi » (chanson à succès NDLR)
C’est-à-dire que tu vas donc revenir dans ton registre de dance hall ? C’est bien ça ?
Oui, je reste toujours dans ce registre à travers lequel on m’a découvert. Vous savez, après la sortie de mon album en 2011, j’ai continué sur un autre style de musique. Ce qui a fait que le dance hall a baisséàun moment donné en Guinée. Il a fallu l’arrivée de mon frère NAVIGATOR (Paix à son âme) qui a encore donné de la force à ce genre musical. Parce que, à un moment donné, je me suis retiré pour aller investir dans l’agriculture. Mais forcément, il fallait que je revienne.
Qu’est-ce qui t’a influencé davantage dans ce nouvel album ?
Je pense que c’est l’esprit de grandeur. Donner de la force à un courant musical (le dance hall), et faire intéresser d’autres personnes, je pense que cela à un sens. Si à certain niveau de ma carrière, je vois des jeunes qui essayent de faire comme moi, ou mieux que moi, c’est ce que moi j’appelle de la grandeur. Mettre les enfants au monde et qu’ils deviennent plus que leur maman. Donc, cet aspect m’influence positivement davantage dans mes projets.
Y a-t-il des collaborations sur ton nouvel album ?
Oui, bien sûr. J’avais demandé des featurings, mais les gens m’ont demandé de l’argent. Moi dans mon concept, je ne vais jamais payer un artiste pour faire un featuring. Je préfère investir cet argent sur moi. Et cela pourrait dans le temps me faire respecter et pousser aussi des grands artistes vers moi. Nous avons des frères guinéens qui ont payé beaucoup d’argent aux grands artistes pour des collaborations. Mais cela ne les a emmenés nulle part. S’ils avaient investi tout cet argent sur eux, ils seraient peut-être sortis de l’ornière. Il faut juste être persévérant, focus sur l’objectif et rester concentré, et je pense que c’est le secret pour réussir.
Tu as choisi Mack Team pour sortir ton prochain album. D’où est venue cette confiance ?
Parce que je l’avais promis il y a longtemps que j’allais lui offrir un album. Et voilà que le jour est arrivé. Sinon, il y a deux personnes qui voulaient me payer beaucoup d’argent pour prendre cet album. Je n’ai pas voulu. Le Grand frère Macka a toujours été un support pour moi. Il a toujours été là pour moi depuis mon premier album. Je crois que je lui dois. C’est un acte de reconnaissance envers lui.
Peut-on dire que ce nouvel album de Singleton est l’expression de la maturité?
Je pense que c’est l’album le plus concret et mature de ma carrière. J’ai fait le premier album uniquement par passion. Le second album était encore un essai, et ainsi de suite. C’est à partir de ce nouvel album que j’ai compris que la musique est un métier et que je peux bien vivre d’elle. C’est pourquoi je dis que cet album est le plus concret et le plus mature. Là, j’ai compris ce que la musique peut m’apporter. C’est grâce à la musique que j'investis dans l’agriculture. C’est grâce à la musique que j'ai ma petite famille. C’est grâce à la musique, j’ai aujourd’hui tout ce que je possède. C’est grâce à la musique que je viens en Europe. Car, il y a tellement de gens qui meurent pour atteindre ce continent. Aujourd’hui, je sais ce que vaut la musique.
Veux-tu nous dire que c’est l’étape cruciale de ta carrière ?
[Rires] Oui justement. Je ne suis plus un enfant. J’ai mes 36 ans. Tout ce que vous trouverez dans mon nouvel album est fait exprès.
Aujourd’hui quelle orientation prend ta musique après plusieurs années de carrière ?
Le leadership surtout. Je vois en moi, un leader, un modèle en tout cas dans le genre de musique que je fais. Je n’ai jamais reçu le prix de meilleur artiste de dance hall en Guinée, mais aussi, il n y a personne qui a ce prix.
Avec ce nouvel album Singleton se réinvente ?
[Rires] Je crois que je ne suis jamais parti. C’est une suite logique de mes combats et de mes inspirations.
Ton dernier single « Bankhi saré FBI » interpelle l’opinion publique et les autorités guinéennes. En quoi ce sujet est-il important pour toi ?
Je suis leader d’opinion mais aussi observateur. C’est presque tout le monde qui vit cette réalité de la cherté de loyer. Même chez mes parents, chez nous, il y a beaucoup de locataires et ils vivent la même chose. Moi-même j’ai habité chez les gens et j’ai vécu la même pression. Il y a tellement de gens qui vivent cette réalité qu’il fallait le dénoncer pour que les mentalités changent. La musique ce n’est pas seulement pour ambiancer, mais c’est aussi pour léguer de bons conseils à la population.
Comment imagines-tu ta musique dans 10 ans ?
Dans 10 ans, je ne chanterai plus. Il y a mes enfants qui grandissent. C’est pourquoi j’investis dans beaucoup de choses. La vie c’est une question de priorité. Il y a beaucoup de nos amis qui investissent dans les voitures, dans l’immobilier. Moi je vais rarement en boîte de nuit si ce n’est pas sur invitation. Donc j’arrive à faire la différence entre Singleton et Monsieur Bangoura.
Aujourd’hui la musique urbaine guinéenne peine à s’exporter malgré une floraison de jeunes talents qui pullulent. Selon toi quel est le problème ?
C’est une question de système. Parce que le pays n’est pas dans le système. Il n’y a pas de grosses maisons de production qui sont installées dans le pays. Ce n’est pas comme le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire etc. où l’industrie musicale bouge. Aujourd’hui la musique ce n’est pas que le talent. Il faut être dans le système. Il faut être dans le réseau. Malheureusement, la Guinée est dans un système clos. On fait des albums, on fait le plein du stade, de l’esplanade, on tourne dans le pays et ça s’arrête là. Mais il y a forcément une solution que moi-même je ne sais pas. Si l’État s’impliquait, ça allait être une bonne chose. Il y a des personnes bien placées qui peuvent financer pour faire bouger notre industrie musicale.
Justement, il y a Djanii Alfa qui fait le Bataclan. Quel lien peux-tu établir entre ces deux réalités ?
Franchement, je félicite les gens qui sont derrière ce projet. Il faut ces genres de personnes pour sortir notre musique du trou. J’encourage et félicite les gens qui ont cru en la musique de mon frère Djanii Alfa afin de l’exposer au Bataclan. C’est une grande ouverture pour notre pays, la Guinée et sa musique urbaine.