Interview | Une fois de plus, Elie Kamano ne tire pas à blanc

Elie Kamano, connu pour son audace et son franc-parler, est notre invité du mois. Le reggae man guinéen en pleine préparation pour la sortie de son album « Wakanda Légende » nous partage ses ambitions et teinte au vitriol les agissements des nouveaux dirigeants de son pays. Ne manquez pas cette interview exclusive réalisée par l'équipe de Sitanews, France.

Bonjour Elie. D’abord, quel est ton avis sur la nomination de Moussa Moise Sylla à la tête du ministère de la culture ?

« Je crois qu'à part le prestige associé au statut de ministre, recherché par certains, leur profil ne correspond généralement pas à la mission que certains départements se fixent. C’est indubitablement le cas de Moussa Moïse, car il aurait été nommé au département de la communication ou de l’information, j’aurais tout de suite compris, car cela aurait pu l'aider à démêler la situation de ses anciens collègues.

Bien que Bill De Sam ait été une déception pour tous les acteurs culturels, cela ne signifie pas que personne d’autre dans ce secteur ne soit humainement et professionnellement capable de relever les défis. Mais quelque part aussi, on nous prend pour des ânes parce que notre manque d’unité accroît notre non-fiabilité. »

Tu annonces "Ali Baba et ses 40 voleurs", qu'est-ce qui se cache derrière cette chanson ? Est-ce lié au système CNRD ?

« Ali Baba et ses 40 voleurs fait allusion au gouvernement du CNRD que je considère comme les plus grands fossoyeurs économiques de notre pays au cours des 20 dernières années.

On ne peut pas poursuivre les barons de l’ancien régime pour pillage de deniers publics, abus de pouvoir, corruption et tout, et faire pire qu’eux dans la plus grande impunité. Je tire la sonnette d’alarme et lance une alerte à l’endroit du président de la transition, car s’il ne prend pas les mesures adéquates face à cette situation qui cristallise la cité, ça va péter. »

Avec "Wakanda Légende", espères-tu obtenir un disque d’or ? Es-tu sérieux à ce sujet ? Sur quoi bases-tu ton optimisme ? 

« Wakanda Légende sera le meilleur album de reggae des prochaines années en Afrique et ailleurs, parce que je suis l'un des rares spécimens du reggae à aborder des thématiques universelles et transversales, tout comme Alpha et Tiken. 

Rien ne m’empêchera de décrocher le disque d’or dans un univers où ces deux icônes l'ont obtenu grâce à leur message adressé à l’humanité. Je me base donc sur la puissance de mes mots et des thématiques abordées dans l’album. »

Elie, aujourd'hui, dis-tu adieu à la politique pour redire bonjour à la musique ? Confirmez-vous cette thèse ?

Je n'ai jamais dit adieu à la politique, chez moi il n'y a pas de nuances à faire. Entre le reggaeman engagé et le politique que je suis, la cohérence réside dans ma quête du bien-être des Guinéens. Égalité de chances pour tout le monde, équité, liberté, respect des principes démocratiques, et tout. On appelle ça le patriotisme.

En tant qu'artiste, politicien, activiste, philanthrope... Sur quoi vous concentrez-vous principalement ?

Dieu m'a donné les facultés intellectuelles et physiques pour servir ma nation. Il se révèle à travers mon inspiration et mon apport à la société qui m'a engendré, alors je me plais dans tous ces rôles.

Quelle a été ton expérience lors de ton voyage au Niger, où tu as donné un spectacle ?

« J’ai compris que l’on n’est jamais prophète chez soi et que l’on ne reconnaît la valeur d’une chose que lorsqu’on la perd. J’ai été traité comme un prince, à la hauteur de ma valeur et surtout de mon combat pour notre continent. J’ai aussi compris que les peuples du Niger, du Burkina Faso et du Mali sont résolument déterminés à rompre aussi bien avec la vieille CEDEAO qu’avec les colons. »

Quel est ton avis sur l'actuelle CEDEAO qui éprouve des difficultés à gérer l'épidémie de coups d'État en Afrique ?

« Je ne cesserai de le dire suffisamment : il faut réadapter la charte de la CEDEAO aux réalités actuelles de l’Afrique. Aucune charte ne doit ratifier ou abroger un texte qui donne la permission à certains de faire des coups d’états constitutionnels et empêche d'autres de le faire avec des armes. Le jour où nos représentants à la CEDEAO comprendront cela, les forces armées auront moins de raisons de recourir aux armes, car généralement les coups d'État constitutionnels conduisent aux coups d'État militaires. »

À ce stade de la transition en Guinée, as-tu un message à adresser au Général Doumbouya et à son gouvernement ?

« Mon message reste constant. Cela a toujours été la même résonance, donc le même son de cloche. Je demande au président de la transition d’aller droit à l’essentiel, car le pays est bloqué et en mauvaise posture. Les institutions internationales asphyxient l’économie du pays faute d'interlocuteurs fiables. Le gouvernement gouverne et ment à longueur de journée pendant que le peuple tire le diable par la queue. 

L’accumulation de la frustration du peuple liée au délestage, au manque d’eau potable, à la cherté de la vie et au manque de résultats du gouvernement, amèneront le peuple à exprimer son ras bol. » 

Avec ton nouvel album « Wakanda légende », peut-on dire que le « maître » du reggae conscient a repris la plume ?

« Oui, sans risque de se tromper, le maître a repris la plume pour remettre les pendules à l’heure. » 

Par Sita 

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