[Bon à savoir] - Après avoir expliqué son fonctionnement, nous détaillerons les points-clés de négociation du contrat d'artiste, nous parlerons des options et enfin, nous citerons ses avantages et ses inconvénients.
LE PRINCIPE DU CONTRAT D'ARTISTE
Le contrat d'artiste est le contrat qui lie un producteur phonographique (un label) à un artiste. C'est la relation contractuelle entre celui qui finance et produit l'enregistrement et son employé, l'interprète.
Dans un contrat d'artiste, il y a d'un côté, un artiste dont le rôle sera d'interpréter des morceaux (qu'il n'aura pas nécessairement écrits), de les défendre en promotion, d'apporter son image (pour les opérations avec les marques, les clips ou encore le merchandising) en échange d'une rémunération fixe et d'un intéressement sur les recettes.
Le rôle du producteur est de développer l'artiste en finançant le projet : sessions studio, paiement des compositeurs, graphisme pour la cover, investissements marketing et promotion, et toutes les dépenses associées au projet. Au-delà des investissements, il va aussi mettre ses compétences au service du projet en assurant sa direction artistique et son exploitation. En échange de ce travail et de ce risque, c'est lui qui sera propriétaire de l'œuvre, du master, et qui devra rémunérer son artiste en lui versant un pourcentage des chiffres d'affaires.
Lorsque le producteur est un label indépendant, il va probablement, après avoir signé un contrat avec l'artiste , concéder une partie du travail à une maison de disque en signant un contrat de licence, de co-production ou de distribution. Mais, nous nous concentrerons sur la relation entre l'artiste et le producteur, qu'il soit indépendant ou major.
Dans le contrat d'artiste, le producteur exploite les revenus phonographiques, liés aux ventes et au streaming, mais aussi d'autres revenus annexes comme le merchandising et les opérations avec les marques, car ils découlent de son travail de développement.
LES POINTS-CLÉS DE LA NÉGOCIATION
En signant un contrat, l’artiste confie sa carrière à un label et devient son employé. Il est important d'y réfléchir à deux fois étant donné les implications d'une telle décision. Une fois le partenaire idéal trouvé, il est nécessaire de négocier un contrat cohérent avec son niveau de développement. Voici sept points-clés de cette négociation :
• La durée du contrat d'artiste :
Dans un contrat d'artiste, on va mentionner le nombre de projets pendant lesquels vous êtes engagé avec le label. En moyenne, les contrats se font sur trois albums, pour laisser le temps au label de rentabiliser ses investissements. Point important : le label reste prioritaire sur les albums qu'il a produits pendant cinquante ans après leur publication.
• Le taux de royalties :
C'est le pourcentage des recettes qui sont reversées à l'artiste tous les semestres. L'artiste est rémunéré sur les chiffres d'affaires du projet. Si l'artiste a un taux de douze pour-cent et que le projet génère cent mille euros de recettes pour cent cinquante mille euros de dépenses, l'artiste touchera ses douze mille euros même si le producteur est en perte de cinquante mille. Sur les exploitations phonographiques (CD et streams), l'artiste va toucher en moyenne entre 11 et 15 pour-cent du chiffre d'affaires, selon sa taille. Il est souvent prévu que son taux augmente à chaque fois que l'album passe des paliers de ventes ou de chiffres d'affaires. En plus de cette rémunération variable, l'artiste va percevoir des salaires et cachets pour chaque clip et morceau.
• Les droits à l'image :
L'artiste cède ses droits à l'image au producteur en vertu du travail effectué par ce dernier. L'importance de l'artiste sur ces sources de revenus entraîne un taux plus élevé, entre 15 et 25 pour-cent sur le merchandising et entre 40 et 80% sur l'endorsement.
• Les avances :
C'est le montant que le label est prêt à vous avancer sur vos futures redevances. Ces avances sont généralement payables en deux fois, la moitié à la signature (ou levée d'option) et l'autre moitié à la remise du projet (ou sortie commerciale). Le label va essayer d'estimer les futurs revenus du projet pour calculer le montant de l'avance. Cette avance peut varier entre dix mille et cent mille euros, selon le niveau de développement de l'artiste. L'artiste n'a pas à réinvestir son argent dans le projet, c'est uniquement une rémunération personnelle.
• Les budgets :
Étant le financeur du projet, le producteur peut s'engager sur des budgets minimums en enregistrement, image ou marketing. Les montants vont dépendre du niveau de carrière de l'artiste et des besoins du projet.
• Les abattements :
C'est un mécanisme qui permet au producteur de diminuer l'assiette de rémunération des redevances. Souvent mal compris par les artistes, il peut entraîner de mauvaises surprises. Le producteur va prévoir un abattement en cas de campagnes marketing intensives (comme une campagne télé), c'est-à-dire qu'il va réduire temporairement les redevances de l'artiste jusqu'à 50% pour faire participer l'artiste à l'effort financier. On retrouve aussi des abattements en cas de ventes à l'étranger et sur des paramètres qui sont plus coûteux pour le producteur.
• Durée d'exploitation :
Le producteur prévoit toujours une période d'exclusivité à la suite du dernier projet, durant laquelle l'artiste ne peut pas publier de musique ailleurs. Cela lui permet de s'assurer que l'artiste ne sabote pas sa dernière sortie, par exemple en sortant un mauvais projet pour se libérer de son contrat et enchaîner directement avec un autre producteur. Cette durée est généralement de douze mois, au-delà c'est potentiellement nocif pour la carrière de l'artiste (il est possible de prévoir de réduire cette durée si le dernier projet est un EP plutôt qu'un album).
Il est nécessaire de négocier un contrat cohérent avec son niveau de développement artistique.
Il existe d'autres éléments tout aussi importants à négocier dans un contrat d'artiste : la prise en charge du réalisateur artistique, les clauses de synchronisation, le calendrier des projets, les périodes d'abattement, l'assiette de rémunération, la rétrocession des masters, les clauses de catalogue, les délais de rendu des masters, etc.
Il est important de s'entourer de professionnels avant de signer un contrat. C'est un investissement rentable compte tenu des conséquences dramatiques d'un mauvais contrat. Cela permet aussi de mieux comprendre les enjeux de votre label, qui a également besoin de gagner de l'argent pour le travail effectué.
Il n'existe pas de vérité générale, même les montants proposés peuvent être négociés si le travail du label le justifie. C'est tout l'enjeu du travail en Business Affairs.
LES DIFFÉRENTES OPTIONS
Dans un contrat d'artiste, on distingue généralement :
• Les projets fermes :
Le producteur s'engage coûte que coûte à produire l'album aux conditions définies au contrat : avances et budgets.
• Les projets en option : Ce sont des projets prévus au contrat à la suite des projets fermes, où le label se réserve le droit de lever l'option, c'est-à-dire d'activer son droit à produire le projet, tant qu'il respecte les conditions définies au contrat.
Lorsqu'un label vous signe pour un album ferme et deux options à cinquante mille euros chacun, ce n'est qu'à l'issue du premier projet qu'il peut décider de ne pas produire le(s) suivant(s) et vous libérer. S'il souhaite produire le(s) projet(s) en option, il doit vous verser les cinquante mille euros prévus au contrat.
Ce principe d'options permet au label de se désengager de la relation si le projet ne se passe pas comme prévu (pour des raisons humaines ou économiques). C'est le label seul qui décide de lever l'option ou non. S'il décide de le faire, tant qu'il respecte les engagements du contrat, l'artiste doit accepter.
On peut se dire qu'il serait mieux de négocier uniquement des projets fermes, plutôt que des options au bon vouloir du label. Cela inciterait le label à augmenter les engagements financiers prévus au contrat, car en cas d'échec, il serait tenu de continuer à creuser son déficit. Sans compter que forcer un artiste à continuer un projet auquel il ne croit plus n'est pas forcément judicieux.
Une option n'a rien de surprenant, mais ce n'est pas l'artiste qui décide de la lever, il faut donc bien la cadrer en amont, le label n'a aucune raison de renégocier en cours de route !
LES AVANTAGES ET RISQUES DU CONTRAT D'ARTISTE
Malgré que les rappeurs continuent de signer en artiste (plutôt avec des indépendants), les contrats d'artiste sont très critiqués. Voici les avantages et les risques de signer en contrat d'artiste :
LES AVANTAGES :
•Profiter d'un savoir-faire : En signant en artiste dans un label, on profite de sa vision et du travail de ses équipes (en DA, marketing et image).
• Être producteur entraîne un certain nombre de responsabilités, dont la création de sa propre société. Cela implique des coûts et des obligations : payer un expert-comptable, établir des décomptes, contractualiser avec les compositeurs, etc. En tant qu'artiste, on est "simplement" l'employé du label et on se contente de percevoir ses redevances en tant que personne physique.
• Dans un contrat d'artiste, c'est le label qui investit sur l'artiste. Cela permet généralement d'avoir des budgets que l'on n'aurait jamais pu investir soi-même en début de carrière. De plus, l'artiste est rémunéré sur les chiffres d'affaires, et non pas sur le bénéfice. Si le label est prêt à investir beaucoup pour faire croître les revenus, c'est dans l'intérêt de l'artiste.
LES INCONVÉNIENTS :
• Quand on signe avec un label en tant qu'artiste, on lui confie en quelque sorte sa carrière. Même si la légende du label qui veut changer l'artiste n'est pas forcément vraie, on peut tomber sur un label qui n'a pas la bonne vision ou qui n'arrive pas à l'exécuter correctement. De plus, les contrats sont généralement longs (trois albums en moyenne), il faut donc avoir confiance dans la vision à long terme du label.
• L'inconvénient principal du contrat d'artiste est que l'artiste cède la propriété des enregistrements au label. Au-delà de leur valeur financière, qui peut être considérable même des décennies après en cas de succès, les masters d'un album ont une valeur symbolique, et leur cession à un partenaire est de plus en plus difficile à accepter.
• En début de carrière, le développement coûte généralement plus d'argent qu'il n'en rapporte. Cela peut justifier que le label, qui a pris le risque, garde un grand pourcentage même une fois dépassé ce seuil de rentabilité. Passé un certain stade de développement, l'artiste peut avoir le sentiment d'être "perdant" au vu de la rentabilité du projet. Il est très rare qu'un gros artiste re-signe en contrat d'artiste à l'issue de son premier contrat.
En résumé, les contrats d'artistes sont de moins en moins attractifs, surtout avec les majors. Cependant, dans une période où de nombreux artistes amateurs peinent à se distinguer, et où beaucoup de labels ont du mal à signer des artistes, ces contrats peuvent représenter une opportunité pour s'assurer que les labels s'impliquent humainement et financièrement.
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