La Guinée a 64 ans de « liberté » dans la pauvreté
La Guinée de Sékou Touré a 64 ans d’indépendance ce samedi 2 octobre. C’est un pays souverain mais qui se heurte régulièrement aux déconvenues. Son histoire est unique et anecdotique parmi tant de pays africains libérés des dominations étrangères. L'histoire retient que ce pays a préféré la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l'esclavage.
La Guinée a une superficie de plus de 246 000 kilomètres et au moins 13 millions d’habitants.
Les ressources minières de la Guinée font d’elle, une destination très fréquentée par les investisseurs. Mais elle reste l'un des pays les plus pauvres au monde.
Après avoir été membre de la fédération de l’Afrique-occidentale française (A-OF) depuis 1904 et avoir obtenu une autonomie administrative en 1956, la Guinée rejette la proposition d’entrer au sein de la Communauté française et proclame son indépendance le 2 octobre 1958. Une date monumentale que les historiens enseignent aux différentes générations qui se succèdent. Jamais, les Guinéens ne vont oublier les avantages - mais aussi, les affres et les balafres de cet évènement historique.
Feu Ahmed Sékou Touré est au cœur de la marche vers l’indépendance qui s’accélère à partir de 1958 avec la proposition de la nouvelle Constitution présentée par le président français Charles de Gaulle. Lors du référendum du 28 septembre 1958, les Guinéens sont les seuls à refuser, et ce dans une proportion de 95 % (1 136 324 OUI, contre 56 981 NON), de rejoindre la Communauté française.
La colonie française de Guinée devient indépendante le 2 octobre 1958 après que le député Sékou Touré a appelé ses compatriotes à voter NON au référendum instituant la Communauté française.
Succession des présidents
La Guinée dans son histoire a connu trois présidents depuis son indépendance hormis les régimes exceptionnels dirigés par les putschistes.
L’homme a gouverné sans partage de 1961 à 1984 sous la bannière du Parti Démocratique de Guinée – Rassemblement démocratique africain (PDG-RDA).
Ses premières actions pour rejeter les Français puis pour s’approprier la richesse et les terres agricoles des propriétaires traditionnels, irritent de nombreux acteurs puissants, mais l’échec de son gouvernement à fournir des capacités économiques ou des droits démocratiques, encore plus.
Alors qu’il est encore admiré dans beaucoup de pays en Afrique et dans le mouvement panafricain, de nombreux guinéens, des militants de gauche et de droite en Europe deviennent très critiques envers le régime de Touré en particulier quant à son échec à instituer une véritable démocratie.
À travers la police secrète et les exécutions dans les camps de détention, Sékou Touré fait régner sur le pays un régime de terreur, contraignant des milliers de guinéens à fuir la répression. Des dizaines de milliers de dissidents guinéens cherchent à fuir le pays.
L’isolement diplomatique du pays, conjugué à une économie mal planifiée, mènent la Guinée à la faillite et contraignent son président à assouplir le régime. Il entreprend alors de nombreux voyages diplomatiques dans le but d’établir des relations avec d’autres pays et de trouver des investisseurs pour exploiter les richesses minérales considérables de la Guinée. Sékou Touré meurt le 26 mars 1984.
Après la mort de Sékou Touré, le 26 mars 1984, un gouvernement d’intérim est mis en place. Il est bientôt renversé par le colonel Lansana Conté, qui prend la tête du Comité militaire de Redressement National (CMRN) et devient Président de la République. Il amnistie les prisonniers politiques, s’attache à démanteler le système socialiste, réduit le pouvoir de l’armée et se rapproche de la France et de ses voisins.
En 1985, le gouvernement de Conté échappe à une tentative de coup d’État. La Guinée s’ouvre au capitalisme occidental en réglementant les investissements. En décembre 1993, Les premières élections pluripartites confirment Lansana Conté dans ses fonctions. Son principal adversaire politique est arrêté cinq ans plus tard. En juin 1995, les élections législatives, contestées par l’opposition, confirment l’hégémonie du parti présidentiel.
En 1996, une mutinerie, frôlant le coup d’État, révèle la démoralisation de l’armée. La nomination comme Premier ministre de l’économiste Sidya Touré rassure les organisations financières internationales, mais n’arrive pas à entamer l’opposition des deux grandes communautés, les Peuls et les Malinkés, qui reprochent au président Conté de favoriser les Soussou, son ethnie d’origine. Pour autant, le régime réussit à maintenir la paix entre les ethnies.
En décembre 1998, Lansana Conté est réélu avec 56 % des suffrages exprimés. Ces élections sont violemment contestées par l’opposition, et son représentant charismatique Alpha Condé (RPG) est mis en résidence surveillée. Voisine de la Sierra Leone, la Guinée accueille de nombreux réfugiés de ce pays en proie à la guerre civile, et subit parfois les incursions des rebelles. Le pays est en panne économiquement, mais il échappe aux guerres et aux troubles de ses voisins.
Le 22 décembre 2008, Lansana Conté meurt. Il souffrait depuis une dizaine d’années de plusieurs maladies, dont une forme aiguë de diabète et une leucémie.
Libération des Ondes sous l’ère Conté
Pour la liberté d’expression et la migration vers une démocratie civilisée, l’ancien président Feu général Lansana Conté ouvrit la voie à la presse libre audiovisuelle en 2005.
Tout citoyen guinéen jouissant de ses droits civiques ou toute personne morale de droit guinéen, à l’exception des partis politiques et des confessions religieuses, peut créer, posséder, exploiter une station de radiodiffusion et/ou de télévision privée en Guinée. Mais cela, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. C’est donc l’un des acquis du régime Conté.
Contrairement à la presse écrite, la presse audiovisuelle s’adresse directement et gratuitement à sa cible. Un transistor, des piles, un téléviseur, une antenne, et la presse audiovisuelle s’invite au domicile des populations.
Régimes exceptionnels
Après la mort de Lansana Conté le 22 décembre 2008, une junte se présentant sous le nom de Conseil National pour la Démocratie et le Développement (CNDD) prend le pouvoir par un coup d’État, et Moussa Dadis Camara s’autoproclame président de la République. Le 30 décembre 2008, Kabiné Komara devient son Premier ministre, chef du Gouvernement.
Le 28 septembre 2009, les hommes en tenue ouvrent le feu sur la foule manifestant contre la junte de Moussa Dadis Camara. Le bilan était lourd, des dizaines de personnes tuées. Ce massacre constitue un tournant dans l’histoire du pays. 67 victimes se constituent parties civiles dans l’instruction judiciaire ouverte par les autorités judiciaires guinéennes sur ce massacre du 28 septembre 2009.
Le 3 décembre 2009, Moussa Dadis Camara est blessé par son aide de camp, Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba. Le 8 décembre 2009, le CNDD arrête 60 personnes pour avoir tenté de tuer Moussa Dadis Camara. Évacué d’urgence au Maroc, Moussa Dadis cède son fauteuil à son ministre de la défense, le Général Sékouba Konaté. Ce dernier n’a pas tardé à organiser les élections présidentielles pour rendre le pouvoir aux civils.
Alpha Condé élu démocratiquement
Les élections présidentielles sont annoncées en juin 2010, pour permettre le retour à un pouvoir civil, fortement souhaité par la population. En février 2010, le principal opposant, Alpha Condé, annonce sa candidature à ce scrutin présidentiel. Il arrive en deuxième position du premier tour le 27 juin, avec 18,25 % des voix, se qualifiant ainsi pour le second tour, face à Cellou Dalein Diallo qui obtient 43,69 % des voix.
Le 19 septembre 2010, le second tour de l’élection présidentielle est reporté à une date ultérieure. Le second tour se déroule finalement le 7 novembre 2010.
Le 15 novembre 2010, Alpha Condé est déclaré vainqueur de ce scrutin par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) avec 52,52 % des voix face à un ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, leader de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). La Cour suprême valide l’élection le 3 décembre suivant, et Cellou Dalein Diallo reconnaît sa défaite.
Alpha Condé est investi président de la République le 21 décembre 2010. Il promet « une ère nouvelle » et annonce son intention de devenir « le Mandela de la Guinée » en unifiant son pays, en luttant contre la corruption et en redressant l’économie, qui ne profite guère des réelles richesses minérales du territoire.
Trois jours après son investiture, il nomme l’économiste Mohamed Saïd Fofana au poste de Premier ministre. Le 19 juillet 2011, des militaires attaquent sa résidence privée en haute banlieue de Conakry, mais leur tentative de coup d’État échoue.
Les premières élections législatives sont organisées le 28 septembre 2013. Le parti au pouvoir et les « petits partis » qui lui sont alliés obtiennent 60 des 114 sièges à l’Assemblée nationale et un Parlement élu peut enfin se substituer au Conseil National de Transition, même si l’opposition dénonce des fraudes. En 2015, Alpha Condé est réélu lors du renouvellement de l’élection présidentielle avec 57 % des voix, à nouveau face à Cellou Dalein Diallo.
En réalité, le deuxième et dernier mandat du président Alpha Condé a pris fin en décembre 2020. Mais l’ancien opposant de Conté refuse de quitter le pouvoir. Il modifie la constitution qui lui offre un mandat de plus à l’issue d’une élection (18 octobre 2020) organisée en sa faveur. Une grande partie de la population conteste sa réélection. Cela à travers des manifestations de rue au cours desquelles des nombreux cas de morts sont signalés.
La donne change
Le 5 septembre 2021, les forces spéciales dirigées par le Colonel Mamadi Doumbouya renverse Alpha Condé et dissout le gouvernement et les institutions le 1er octobre 2021, Mamadi Doumbouya est investi - et prête serment depuis le peuple. Le colonel jure de rassembler les Guinéens et organiser les élections présidentielles libres et transparentes. En même temps, il crée la Cour spéciale de répression des infractions économiques et financières(Crief), une première en Guinée. Il emprisonne les anciens dignitaires avant leur jugement pour dit-on : « crime économique ».