Mikhindé Daalindé est connu en Guinée pour son engagement en faveur d'une Afrique unie et indivisible au sein du mouvement panafricain. Dans cette interview exclusive avec SITANEWS, ce personnage exceptionnel aborde les questions géopolitiques actuelles en Afrique, en mettant notamment l'accent sur la décision du Mali de mettre fin à l'utilisation du français en tant que langue officielle du pays. Avec une confiance totale, Mikhindé Daalindé exprime son espoir de voir un jour une Afrique prospère et sans frontières entre ses pays.
Interview réalisée par Mariam Sampou & Roger Bignamou (Sitanews)
La nouvelle Constitution du Mali retire le français des langues officielles. Cela ne confirme-t-il pas l'idée que vous défendez d'une Afrique unie, unique et sans frontières, c'est-à-dire les États-Unis d'Afrique ?
« La langue est l'une des expressions les plus essentielles de l'identité d'un peuple. Au-delà d'être un moyen de communication, elle est non seulement un outil de résistance, c'est pourquoi toutes les grandes nations préservent jalousement leurs langues, mais elle est également un instrument efficace de domination, c'est pourquoi toutes les nations conquérantes ont imposé leur langue aux populations conquises pour asseoir leur domination.
C'est exactement ce que le Mali semble comprendre. On ne peut pas se prétendre indépendant et continuer à être administré, informé, formé, étudier et communiquer dans une langue étrangère, qui plus est celle du colonisateur. C'est absurde. Cette décision du Mali montre qu'il est résolu à se libérer du joug colonial. Et nous devons les féliciter pour cela.
Tous ces grands projets de liberté et d'indépendance des colonies issues de la division de Farafina lors de la conférence de Berlin ne peuvent être réalisés individuellement. Tant que nous suivrons la volonté de notre dominateur, nous resterons dominés. Le colonisateur nous a divisés pour rendre plus facile et plus efficace sa domination sur nous. Tant que nous persisterons dans cette voie, nous n'avancerons pas... La seule solution est l'unité. C'est pourquoi toute colonie qui prétend se libérer du joug colonial aujourd'hui doit placer la lutte panafricaine au cœur de ses priorités. Car, c'est seulement en nous défendant nous-mêmes avec nos propres armes que nous serons réellement en sécurité. Il est difficile de prétendre être en sécurité lorsque nos armes sont fournies de l'extérieur. Seul un État fédéral (qui deviendra certainement une puissance mondiale incontestée) peut entreprendre un tel projet et le mener à bien avec sérénité.
Nous devons également féliciter les autorités du Mali pour leur engagement dans la réalisation de la fédération Guinée-Mali-Burkina, qui pourrait être la base d'un État fédéral farafin (il convient toutefois de noter que la Guinée semble tarder à prendre part à cette initiative ces derniers temps).
Pensez-vous que cette décision prise par les nouvelles autorités maliennes dirigées par les militaires marque le début d'une révolution que les autres pays du continent devraient suivre ?
« Au lieu du « début », je dirais plutôt la continuation de la révolution…
Quoi de plus normal que de vouloir être soi-même ? Être responsable de sa propre destinée ? C’est seulement quand on a tellement intégré l'anormalité que le normal nous semble extraordinaire.
Aujourd'hui, le Mali est le porte-flambeau de la liberté farafin vis-à-vis du colonialisme. Par cette décision, il a confirmé sa position d'éclaireur pour l’indépendance de Farafina. La maîtrise de la langue est essentielle pour atteindre l'indépendance. Le Mali l'a compris. Les autres colonies devraient suivre.
Aujourd'hui, pour obtenir un rôle respecté sur la scène internationale, il est impératif d'avoir une maîtrise de la science et de la technologie. Des connaissances qui ne peuvent être acquises que dans une langue que l'on maîtrise suffisamment, une langue qui nous est familière, une langue conçue en fonction de nos réalités socioculturelles, qui sont déjà inscrites dans notre code génétique depuis des temps immémoriaux, transmis par nos ancêtres. On ne peut percer le secret du savoir enseigné qu'à travers la langue qui résonne au plus profond de nous, la langue qui vibre à l'unisson de notre âme - la langue maternelle. On peut donc dire que le Mali est prêt à amorcer sa révolution scientifique. Les autres colonies devraient suivre. »
Est-il possible de remporter la bataille de l'unité africaine si certains dirigeants continuent de tendre la main à l'Occident, alimentant ainsi le néo-colonialisme ?
"Un bâtiment solide commence par son soubassement. De même, une unité solide provient de la base, c'est-à-dire de la population. Le véritable pouvoir réside entre les mains du peuple, à condition bien sûr qu'il en soit conscient. La mission consiste donc à éveiller cette conscience. Il est impératif que le peuple prenne conscience de la nécessité, de l'urgence et des avantages d'un État fédéral farafin dans ce monde impitoyable.
Lorsqu'un rêve mobilise les masses, il devient réalité. Tel est le plus grand défi actuel des panafricains : réveiller le dragon endormi, et le reste suivra naturellement. Car le véritable sauveur du peuple, c'est le peuple lui-même. Lorsque le peuple est conscient, ses dirigeants deviennent leurs serviteurs et sont contraints d'agir selon la volonté du peuple.
La cible doit donc être le peuple lui-même, et non ces dirigeants qui sont déjà discrédités dans ce processus (bien qu'ils pourraient éventuellement se rallier). S'ils le voulaient ou le pouvaient, nous en aurions eu connaissance, ne serait-ce que par le biais de leurs programmes éducatifs nationaux. Or, rien de tel ne s'est produit. Il ne faut donc pas perdre de temps avec eux. Ils sont là pour jouer le jeu du colon (consciemment ou inconsciemment) et ils le font à merveille."
Selon vous, quel sera le prix à payer et quelles solutions préconisez-vous pour prendre la tête de ce combat ?
"Bon… moi je ne pense pas au prix à payer… ce que je sais, toute lutte pour une cause commune face à l'injustice est un sacrifice de soi. Du moment que cela est intégré, je pense que le prix à payer ne devient plus une préoccupation ou moins. Moi, « préconisez des solutions pour prendre la tête de ce combat » ? Ce n’est pas dans mes prérogatives dans ce combat. Et je pense que ce n’est pas le plus important. Le plus important à mon avis c’est de prendre soin de jouer valablement sa partition dans cette symphonie de liberté, où que l'on soit, à n’importe quel niveau social, à n’importe quelle dimension spirituelle et autres. Je pense qu'il est temps et même urgent de réinstaurer cette conscience de pouvoir changer positivement une société sans être au devant des choses. Pour le moment la préoccupation c’est de toujours chercher à se former et former autour de soi comme on peut autant qu'on peut. Le reste viendra après, à notre vivant ou pas, l’essentiel ce sera certainement au vivant du peuple, pour qui d’ailleurs le combat est mené. Tout comme compte fait « kha furi tongo, fo di bari », « quand il y a grossesse, il y aura l'accouchement ».
Est-il réellement possible d'aller dans cette direction ? Ne risque-t-on pas de mettre en péril la survie de l'Afrique en prenant de tels risques ?
« Avoir peur d’aller dans la direction de se prendre en charge, d’être libre et indépendant voilà le plus grand risque pour la destinée d'un peuple. Un bébé qui a peur de tomber n'apprendra jamais à marcher. Donc, marcher ou trainer à quatre il faut choisir. La survie n’est pas une vie. La Mère Nature nous a tout donné pour vivre et le système colonial nous a crée un monde de survie. Nous voulons vivre ou survivre ? Un peuple responsable œuvre pour la création et le maintien du monde qu'il se veut. »
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