Straïker : « Dans 5 ans, je serai le meilleur rappeur africain »
Plus d’une semaine après la sortie toute « particulière » de son tout premier album (Poullosophe), le jeune rappeur Guinéen Straïker ou Kawou Sari nous accorde une interview exclusive au cours de laquelle, il s’exprime sans détour. Lisez notre échange.
QU’EST-CE QUI A MOTIVÉ L'IDÉE D’APPELER TON ALBUM « POULLOSOPHIE ? »
"C’est tout simplement ma philosophie à moi que j’ai essayé de retranscrire dans mon album. Cette philosophie se résume en tout ce que j’ai reçu comme éducation et/ou initiation de ma famille, de mon entourage et de ma culture peulh. Bref, c’est le condensé culturel de mon expérience de vie. Par exemple, mes sons en soussou prouvent que j’ai été influencé par la culture soussou à un moment donné de ma vie. Il faut tout simplement retenir que, « Poullosophie » c’est l’amour et la sagesse peulh."
APPAREMMENT, CET ALBUM EST L’ABOUTISSEMENT DE LA MIXTAPE « PHILOSOPHE PEULH ». COMMENT EXPLIQUES-TU CELA ?
« A la base, « Philosophe peulh », ce sont juste quelques morceaux mais au fil du temps, j’ai voulu être beaucoup plus large. Déjà c'était « Philosophe » tout court, un concept que j’ai créé depuis 2019 : « Ce n’est pas du rap, c’est de la philosophie ». Puis, au bout d’un moment, j’ai commencé à me poser la question, mais de quelle philosophie s’agit-il ? et il m’a paru évident qu’il s’agissait de la mienne et donc je suis un philosophe peulh. Les thèmes qui reviennent généralement le plus dans mes sons sont : l’éducation, la spiritualité et la culture. Tout cela, c’est de la poullosophie pour moi."
POURQUOI AS-TU DÉCIDÉ DE SORTIR TON ALBUM AVANT SON CONCERT DÉDICACE ?
"Disons que j’ai voulu sortir un peu de l’ordinaire guinéen. Un peu partout en dehors de nos frontières, les artistes sortent d’abord leurs albums et après ils programment des tournées. Le plus souvent, ils chantent tous les morceaux de leurs albums avec le public parce qu’ils leur laissent le temps de bien écouter avant. Ce qui n’est pas forcément le cas chez nous (Guinée ndlr). Les artistes chantent souvent seuls leurs musiques lors de leurs dédicaces. Alors que moi, je crois qu’un spectacle, c’est l’échange entre le public et son artiste - ce n’est pas que dans un sens. Je crois que la meilleure façon de faire, c’est de sortir son album, laisser le temps au public de le savourer, et après faire la fête avec lui le jour du concert, c’est beaucoup plus intéressant."
COMBIEN DE TEMPS AS-TU PRIS POUR PRÉPARER CET ALBUM ?
"Il y a deux, trois sons qui ont fait trois ans, sinon tous les autres ont été faits durant l’année 2022, disons qu’il nous a pris un an de préparation. Sur ce, je ne dirai pas que je suis un exemple, mais je suis quelqu’un qui montre la voie aux autres. Faire cela, démontre à bien des égards que je suis quelqu’un de bonne foi parce que d’une manière ou d’une autre cela participe à booster le rap guinéen. Les yeux sont braqués sur nous et en étant le rappeur guinéen le plus suivi sur les réseaux sociaux, je suis pratiquement l'étendard du rap guinéen. Si je sors un projet tordu, les autres pays comme le Sénégal ou la Mauritanie etc. vont juger tout le reste du rap guinéen comme tel. Donc il fallait que je prenne tout mon temps."
ET QU’EST-CE QUI EXPLIQUE LE FAIT QU’IL N’Y A PAS DE COLLABORATION AVEC TES PAIRS DE LA NG ?
"Déjà, il faut mentionner le fait que le featuring se fait au feeling. Tu ne peux pas inviter quelqu'un sur ton projet juste pour l’inviter. Et puis, il y a des projets qui n’ont pas forcément besoin de featuring. Dans cet album par exemple, ce n’est pas tous les thèmes qu’on pouvait y développer au risque de sortir du cadre, du contexte de l’album. C’est pourquoi, il n’y a que des gens qui sont plus ou moins dans le même esprit que ce que j’ai voulu faire de cet album que j’ai invité. Parmi eux, il y a MUSLIM du groupe Hezbo Rap, ADVISER de la Mauritanie qui est également un grand poullosophe parce que c’est quelqu’un qui a la même ambition que moi, c’est à dire faire connaître sa propre culture. Surtout, c’est quelqu’un de très connu qui fait plusieurs millions de vues sur YouTube. Et après il y a IZO KEYS de la Côte d’Ivoire sur le son “Ne jamais rien lâcher”. Donc tous étaient dans la même logique. Maintenant, pour revenir aux rappeurs de la Nouvelle Génération (NG ndlr), j’ai été le premier à avoir invité presque tous les rappeurs de cette génération dans un seul projet. Disons donc que pour ce projet-ci, je n’ai pas fait beaucoup de feats parce que je voulais surtout que la lumière soit beaucoup plus braquée sur moi."
JUSTEMENT, EST-CE TU TE DÉFINIS TOUJOURS COMME UN RAPPEUR DE LA NG ?
"Non, moi je me définis maintenant comme un rappeur de la GN (Guinée ndlr) tout court. Il faut renverser les lettres (rires). Parce que tu ne peux pas être rappeur de la NG plus de trois ans. Vous constaterez même qu’il y a une nouvelle vague de rappeurs qui arrive et c’est tout un autre délire. Disons que dans le milieu du rap, moi j’ai déjà ma place - je ne me cherche plus."
ET QU’EST-CE QUI JUSTIFIE CELA ?
"La preuve est que j’ai trois à quatre ans de carrière maintenant et surtout vu tous les chiffres que je continue de générer, je ne me définis plus comme un rappeur de la nouvelle génération. Peut-être par rapport à mon âge je dirai oui, mais par rapport à ma carrière je n’appartiens plus à la nouvelle génération."
EST-CE QUE TU AS QUELQUE CHOSE A REPROCHER À TES PRÉDÉCESSEURS DANS LE MILIEU DU RAP GUINÉEN ?
"Oui, ce que je leur reproche surtout, c’est d'être partis trop tôt et de ne jamais revenir. Le pire est qu'ils ne nous ont pas laissé un très grand héritage en termes de trophées par exemple. Si aujourd’hui on nous demandait de citer des légendes du rap en Guinée, on pourrait bien citer Yoriken du groupe Methodik, Kill Point etc. mais après ça se limitera à ça, c’est-à-dire, au simple fait de les citer. Après il n’y a pas d’autres choses qui prouvent concrètement qu’ils ont été ce qu’ils ont été."
ET POUR FINIR, COMMENT TU TE VOIS (STRIKER) DANS 5 ANS ?
"(Rire), je me vois dans cinq ans être le meilleur rappeur africain, carrément (Rire)."