La chanteuse Rokia Traoré s’indigne ! La célèbre artiste malienne se fait entendre une nouvelle fois. Rokia dénonce ici la gestion du caractère peu pudique des œuvres musicales actuelles dans son pays. Mais aussi, elle fait un rapprochement entre la gestion de la chose culturelle et la refondation du grand Mali annoncée par les autorités depuis un certain temps. Mais la chanteuse y trouve un décalage. Elle fait savoir ses vérités sans filtre. Nous vous les transcrivons.
« En tant que parolière, auteure, compositrice, instrumentiste, je suis triste de la pauvreté des textes d’un grand nombre de chansons de jeunes artistes. Il est vrai qu’en plus de la pauvreté dans le sens des mots et l’utilisation de leur cadence, il y a de plus en plus une vulgarité inutile. Mais, dans un pays dont l’art de la parole et sa maîtrise faisaient partie de l’éducation, comment en sommes-nous arrivés là ? » s’interroge Rokia Traoré.
La chanteuse attend mieux de l’État malien : « Il n’y a plus aucune récompense provenant de l’État malien qui fasse rêver les jeunes artistes et leur donne envie de s’investir, apprendre, comprendre les subtilités, les codes, la sophistication des cultures maliennes ».
Poursuivant, Rokia Traoré rappelle les années de gloire de la culture malienne : « Dans le passé, des événements comme « LES BIENNALES ARTISTIQUES ET CULTURELLES », les récompenses et les reconnaissances nationales qui en découlent faisaient rêver. Les « SEMAINES DE LA JEUNESSE », que je n’ai pas connu, mais dont j’ai entendu parler permettaient des étapes d’initiation et d’apprentissage vers une carrière solide d’artiste correctement formé. Tous ces événements qui menaient les différentes régions du pays à se côtoyer et partager leurs cultures et leurs façons d’être maliens ont été détruits car abandonnés sans avoir été remplacés. De surcroît le vide laissé par leur absence ne fait que prendre de l’ampleur laissant les artistes sans espoir ».
Pour la star malienne, beaucoup de valeurs culturelles de son pays sont tombées dans les oubliettes.« Combien de joueurs de violon monocorde sont encore heureux de leur métier au Mali ? Combien de joueurs de bolon, combien de flûtistes peuls trouve-t-on encore dans ce pays ? Combien de jeunes savent encore ce qu’est le TCHI BARANI ? Dans combien de villages au Mali peut-on encore organiser des spectacles à la fin de la saison des pluies en utilisant les instruments classiques locaux ? Combien d’artistes/artisans perdent encore leur temps à fabriquer ces instruments classiques qui ne se jouent plus, alors disparaissent ? Il n’y a pratiquement plus de joueur de balafon dans les villages, ni de barra…
Que reste-t-il aux jeunes artistes dans notre grand Mali à refonder ? Il leur reste les avantages du STREAMING. Facilement enregistrer une chanson, la mettre en ligne, avoir un maximum de vues. Plus on est scandaleux, plus on attire l’attention, plus on a de vues, plus on avance vers une source d’argent, de carrière… », dénonce-t-elle.