M. Hugues Ondaye
Publié : 28 August, 2024

Entretien exclusif avec Hugues Ondaye, patron du festival "Feux de Brazza"

 

Hugues Ondaye, directeur général du Festival international des musiques populaires et traditionnelles « Feux de Brazza » au Congo, nous accorde un entretien exclusif à l'approche de la 7e édition du festival. Celui-ci se prépare avec davantage de volonté et de détermination pour en faire une édition encore plus réussie. Organisé annuellement, ce festival célèbre la créativité, la richesse et la diversité des traditions musicales africaines. Il offre une plateforme de choix pour les artistes du continent. Avec une programmation ambitieuse et des activités innovantes, l'événement vise à promouvoir le patrimoine culturel, véritable vecteur de l'intégration du continent africain.

 

Entretien réalisé par Mory Touré

pour Sitanews / Temps de lecteure 5 min

 


 

MT : Bonsoir M. Hugues Ondaye, vous allez vivre la 7e édition de ce festival typique et atypique qui aura lieu du 7 au 10 septembre à Brazzaville. Concrètement, comment peut-on définir Feux de Brazza et quelle est la particularité de ce festival ?

 

H.O : « Merci, Feux de Brazza est un festival de musique traditionnelle d'Afrique, qui a été créé en 2005 et qui a pour mission la promotion des musiques traditionnelles d'Afrique en tant que source d'inspiration de la musique moderne. Entre autres missions, Feux de Brazza travaille sur la préservation et la documentation de ces musiques.

 

Vous n'ignorez pas que, pour le dire ainsi, la musique est originaire d'Afrique. Il n'y a pas de raison que la musique-mère continue à être reléguée à la périphérie, alors que les nouveaux genres de musique, notamment la musique urbaine, sont très populaires. Donc nous travaillons pour la valorisation de ce patrimoine et pour sa promotion.

 

Et nous allons un peu plus loin encore, car nous travaillons aussi sur la production. Ces groupes traditionnels ont souvent du mal à trouver des producteurs, donc Feux de Brazza a un label de production. Et le premier fruit qui est sorti il y a quelques années, c'était BANA BATEKE.

 

Donc à chaque édition, nous choisissons l'un des meilleurs groupes et nous le produisons. Nous avons aussi pour mission de travailler sur la commercialisation des instruments de musique traditionnelle, notamment la sanza, avec l'un des grands maîtres de notre pays. Nous organisons également des ateliers à l'attention des enfants, pour les aider à garder un lien avec leurs outils de terroir. Voilà brièvement cette aventure qui a commencé en 2005 et qui l'année prochaine célébrera ses 20 ans. »

 

 

 

 

On sait que cela fait deux ans maintenant que vous avez repris l'organisation, je pourrais dire que les Feux de Brazza ont repris du service. Quelles seront les grandes lignes de cette nouvelle édition, qu'est-ce qu'on verra concrètement pendant cette nouvelle édition du côté de Brazzaville ?

 

« Généralement, à chaque édition des Feux de Brazza, nous avons des spectacles, des colloques, des ateliers, tout un village artistique que nous mettons en place, avec l'exposition d'objets de tous genres, d'objets artisanaux.

 

Il y a également des visites touristiques. Mais pour cette édition, nous aurons deux articulations, notamment les spectacles avec les groupes du Congo et ceux venus d'ailleurs, et nous aurons comme temps fort la grande conférence-débat sur la diplomatie coutumière africaine, qui sera animée par le professeur Amoa Urbain de Côte d'Ivoire, qui est le promoteur de la diplomatie coutumière africaine au service de la paix pour l'UNESCO. Nous avons souhaité qu'il vienne partager son expérience et ses connaissances avec les chefs coutumiers d'Afrique centrale, et même d'Afrique de l'Ouest, et enfin tous ceux qui travaillent sur la médiation sociale, notamment les responsables politiques, les juges, les universitaires.

 

Alors que l'Afrique est en proie à plusieurs conflits, il était temps que nous puissions nous approprier nos propres outils de médiation, au lieu de continuer à développer les emprunts d'autres modèles souvent méconnus de nos environnements. D'où l'intérêt de cette conférence, qui sera sous le patronage de Mme la ministre de la Culture, de l'Industrie culturelle, des Arts et des Loisirs de la République du Congo, qui sera accompagnée par sa collègue de la République démocratique du Congo, Mme Yolande Elebe, ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine. »

 

 

On constate que cette année, la thématique est extrêmement transversale. Vous abordez le patrimoine, la créativité, et également un certain rapprochement des peuples. Cette thématique est-elle importante aujourd'hui dans le nouveau contexte que vit le continent africain, à travers les Feux de Brazza ?

 

« Effectivement, le thème de cette édition est transversal, il est intitulé « Musique traditionnelle africaine, source de créativité et vecteur de l'intégration continentale. Nous sommes vraiment convaincus que l'intégration africaine ne se fera pas seulement avec les grands ensembles économiques, mais passera nécessairement aussi, il faut le dire, par le brassage des peuples et de leur culture. La musique traditionnelle africaine, qui fait partie de notre identité, n'a pas de frontières, et nous avons hérité de frontières qui n'ont pas été les nôtres, mais qui nous ont été imposées. De plus en plus, les peuples se retrouvent de part et d'autre de ces frontières, et lorsqu'on visite les frontières africaines, on se rend compte que ce sont les mêmes peuples de chaque côté.

 

Par conséquent, nous ne devrions pas avoir de conflits si nous utilisions nos propres instruments de médiation. La créativité est l'une des sources de fierté de l'Afrique, car l'Afrique regorge de talents, et ces talents doivent être mis à contribution pour booster l'intégration et permettre la circulation des créateurs. Je crois que ce thème tombe à point nommé, dans la mesure où Brazzaville, qui est le siège des Feux de Brazza, a été déclarée capitale africaine de la culture en 2024-2025, avec sa ville-sœur de Kinshasa. C'est donc notre contribution, non seulement au programme des capitales africaines, mais aussi notre contribution, modeste contribution, n'est-ce pas, à la paix dans notre continent, à l'apaisement des conflits dans notre continent qui a tant souffert. Il est temps que désormais on passe à autre chose. »

 

 

Beaucoup de festivals sont axés sur la nouvelle musique moderne et même dans nos quotidiens, nous sommes confrontés à la modernité. Êtes-vous convaincu aujourd'hui que le festival Feux de Brazza a toute sa place dans le nouveau contexte de l'écosystème musical ?

 

« Il y a quelques années, c'est le festival Feux de Brazza qui partait à la rencontre des artistes pour les contacter afin de les programmer sur la scène du festival. Aujourd'hui, ce sont les artistes qui viennent en masse, car nous avons travaillé. Ils savent que c'est une vitrine de promotion, mais ils savent aussi qu'au-delà, il y a un groupe d'artistes qui est choisi pour être mis en studio et ensuite intégré dans le circuit des autres festivals du monde.

 

Depuis, il y a un engouement autour du festival, avec des milliers et des milliers de spectateurs qui viennent assister au spectacle. Un phénomène est en train de naître, il faut le dire : nous assistons à un retour aux sources des artistes qui s'appuient sur la musique traditionnelle. Toutes les sonorités d'aujourd'hui puisent leurs origines dans la musique traditionnelle. Donc le festival Feux de Brazza a toute sa place, c'est un festival de diversité. Aujourd'hui, il devient l'un des grands événements après le FESPAM au Congo, dans la sous-région africaine centrale également. Il n'y a donc pas de raison de désespérer en disant que Feux de Brazza n'a pas d'avenir ou est en difficulté, non. Nous avons des réflexions scientifiques, nous publions tous ces travaux qui se retrouvent dans les universités. Cela montre que nous sommes sur la bonne voie, et nous comptons sur tous pour que ce festival perdure malgré les aléas du temps.

 

Nous invitons tous les mélomanes, tous les chercheurs, tous ceux qui sont amoureux de la musique traditionnelle à se joindre à nous à Brazzaville du 7 au 10 septembre, plus précisément dans l'arrondissement numéro 7 du Mfilou et au Mémorial Pierre-Savorgnan de Brazza, pour la conférence. J'essaie de compter sur votre accompagnement, et la fête sera belle, croyez-moi. »

 

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