Afrique, le paradoxe socio-économique de l’industrie musicale
Nous sommes fiers de voir nos artistes africains sillonner l’Europe entière - parcourir les villes de France et se produire dans les plus grandes salles du monde. Mais ne pensez-vous pas qu’il serait encore mieux d’en faire autant dans leurs pays ou continent d’origine ? D’autant plus que leurs messages sont en grande partie adressés à leur peuple en premier lieu.
Libre Opinion (Par Vianny AKE)
Prenons l’exemple de la musique Reggae qui a pour mission l’éveil des consciences et dont ses leaders sont principalement actifs en Europe. Le constat, est que le public qui assiste à leurs concerts à l’étranger est dans une grande majorité composé d’occidentaux. Mais rien de plus normal, ils sont chez eux ! Mais j’estime qu’il serait en revanche inadmissible de croire qu’après avoir assister à un show africain, ces spectateurs occidentaux poseront des actes pour « sauver l’Afrique » à notre place. Ils prendront ces messages comme étant juste une information, joliment transmise par leurs chanteurs africains préférés, sur un rythme qu’ils affectionnent sans plus. Mais comment leur en vouloir ?
Cette tribune ne vise pas à demander aux artistes africaine de se produire uniquement ou plus souvent en Afrique qu’en Europe, non. Il s’agit plutôt d’œuvrer pour que la culture soit plus accessible sur la terre africaine. Cela, afin que le fan d’Alpha Blondy, Tiken Jah, Youssou N’Dour, Salif Keita mais aussi du jeune artiste prometteur de la région, puisse les voir se produire dans sa ville ou dans la ville d’à côté. La concentration de « bonnes » salles dans nos capitales ne profite qu’au public des grandes villes. Et pourtant, tout un pays est potentiellement un public pour un artiste. Certes, remplir les salles de concert à Abidjan, à Dakar ou à Conakry, etc., doit être plus rémunérateur à cause du pouvoir d’achat des résidents (à priori). Cependant, doit-on vivre de son art seulement à condition de pouvoir faire salle comble à Abidjan ? Comment fait-on quand la notoriété ne permet pas encore de louer le palais de la culture alors qu’on a bien le talent pour ?
Ici, en France où je réside en ce moment, la quasi-totalité des communes ont au moins une salle de spectacle (concert, danse, théâtre etc..). Nous ne parlons pas de salles 1000 places, de 4000 places… même si vous pouvez en trouver ces tailles en dehors de Paris, nous attirons votre attention sur des salles beaucoup plus modestes contenant au maximum 300 à 400 personnes. Ces salles mettent en valeur les artistes de la ville en mettant à leur disposition des salles de répétition, studios d’enregistrement etc.
Les artistes ont envie d’y prester, les producteurs viennent y dénicher les pépites de demain, les fans viennent communier avec leurs idoles et la ville est animée. Le prix des entrées est abordable et parfois réduit pour les résidents de la commune. Il ne se pose pas la question de la location à coût exorbitant de la salle grâce à une subvention soit de la commune, soit de la SACEM. Une formule est trouvée entre l’artiste et la salle afin de partager les recettes générées grâce au bar de la salle et des entrées.
Avec une contribution forfaitaire par artiste et une aide des mairies, sous-préfectures, la salle de la région ou de la ville pourra fonctionner. Comme ces endroits rassembleront du monde, on pourra y vendre de la publicité.
Nous sommes à l’air des réseaux sociaux, avec de belles images, une bonne communication, la petite salle locale peut devenir un passage prisé par les artistes de la ville, de la région, du pays.
Je crois fermement que la culture est un puissant canal pour le développement économique et social d’une nation tout entière. Chers promoteurs, hommes d’affaires, mécènes africains, le business de la culture dans les villes de « l’intérieur » est un vaste chantier qui ne demande que votre contribution. Les idées sont là et peuvent être encore plus détaillées dans leur mise en œuvre.