[caption id="attachment_11305" align="alignnone" width="1080"] PHOTO. Tiphaine Deligne et Sory Papus Diabaté sont les deux compositeurs fondateurs de la formation qui peut prendre une dimension d'orchestre afrobeat.[/caption]
Pour commencer, que signifie Touroumou Touroumou ?
C’est une invention de langage qui est née de notre complicité. « Touroumou Touroumou ? » signifie « Ça va bien? ». Et l’autre pour répondre, dit : « Touroumou Ta ! » qui veut dire « Ça va ». Cela nous a inspiré une chanson qui fera partie de notre deuxième album.
Comment vous êtes- vous êtes connus pour la première fois ?
Nous nous sommes rencontrés fin août 2010 via un ami musicien que nous avions en commun. Sory Papus Diabaté devait jouer avec l’ami en question aux arènes de Lutèce. Tiphaine Deligne est alors arrivée pour prêter son ampli au bassiste… Le début d’une grande aventure !
Touroumou Touroumou, c’est le choc des cultures. Parlez-nous de vos origines et de votre complicité.
Sory Diabaté est un griot de la Guinée. Il vient d’une famille de musiciens, historiens, conteurs… Il maîtrise la basse, la batterie, les percussions et la guitare. Quant à Tiphaine Deligne, elle vient d’une famille française. Son père est artiste peintre et elle a baigné depuis le plus jeune âge dans l’art et la culture. A l’adolescence, elle apprend le piano. Elle passe une licence de musicologie et finit par apprendre aussi le balafon.
Notre complicité a pu s’épanouir dans notre ouverture à « l’autre », aux autres cultures. Elle est l’expression de notre curiosité, mais aussi de notre envie de créer. Avec le savoir-faire de l’un et l’une, nous avons une grande palette de possibilités. Nous avons longtemps joué, accompagné d’autres artistes à Paris, jusqu’à ce que l’idée de nous autoproduire soit venue.
Quelle est le style musical et la discographie du groupe Touroumou Touroumou ?
« Touroumou Touroumou » est un groupe de musique mandingue métissé. Il reprend beaucoup de codes de la musique traditionnelle mandingue, mixés, mélangés et modernisés selon nos inspirations. Notre envie première est d’être un groupe acoustique avec le balafon et la guitare classique. Cela, pour pouvoir jouer partout, mais aussi, pour remettre au goût du jour la magnifique panoplie d’instruments traditionnels que l’on peut trouver en Afrique de l’ouest.
Les musiques actuelles sont souvent trop composées avec l’informatique. Alors qu’il y a tant d’instruments qui existent comme le doun doun ou la calebasse. Notre premier album autoproduit intitulé « Tolo », utilise toutes les percussions possibles que nous avions à notre disposition et met bien sûr à l’honneur, le balafon.
[caption id="attachment_11310" align="alignnone" width="2362"] Cover de l'album "Tolo" - « Tolo » (signifie « oreille » en malinké). Cet album auto-produit comporte 9 titres et présente différentes compositions en français, en malinké et en soussou (langues de la Guinée Conakry) développant des messages profonds, humanistes et porteurs d'espoir.[/caption]
Le deuxième album en préparation sera un peu plus électrifié. Car, nous ne sommes pas fermés. Mais les percussions et les instruments traditionnels y gardent une bonne place.
En écoute : "Sididou", extrait de l'album "Tolo" cliquez ICI
On sent le groupe Touroumou Touroumou très authentique. Quelle orientation donnez- vous à votre art ?
Oui, nous voulons rester authentiques car le monde actuel est déjà si complexe - et l’authenticité c’est la simplicité. Les plus belles œuvres sont souvent les plus simples. Notre art est un partage de notes musicales, de paroles, et d’émotions. Chaque concert est un peu comme une thérapie, où chacun peut se défouler physiquement et émotionnellement. Nous faisons passer des messages même si l’auditeur ne comprend pas la langue, il sera forcément touché par les mélodies.
Justement, la musique n’a pas de couleur, ni de frontière. La musique est universelle. N’est-ce pas l’impression que vous tentez de donner à votre public ?
Bien sûr, la musique est un langage universel, nous en sommes la démonstration ! Une européenne joue un instrument africain, un africain joue un instrument européen, et ils jouent ensemble, tout est possible. C’est triste de voir encore les fermetures d’esprits en 2021. Au contraire, il faudra plus d’échanges culturels, sans minimiser aucune culture. Nous avons tant de choses à nous apporter les uns les autres. Et puis, la terre est ronde, alors pourquoi se mettre des barrières.
Tiphaine Deligne au balafon. Par quelle « magie » a-t-elle réussi à maîtriser cet instrument venu de l’Afrique de l’Ouest ?
Ah oui, c’est fou ! (Rire). Mais non, c’est juste la passion, l’amour et le travail. Comme je suis claviériste, donc, ça été plus simple que pour quelqu’un qui ne connaît pas la musique. La sonorité du balafon m’a happée jusqu’à ce que j’ai pu en jouer. J’ai pris des cours pendant quelques années avec différents balafonnistes (français, guinéens et sénégalais) - et avec la jugeote, j’ai pu extrapoler et développer mon jeu. J’adore tout simplement cet instrument !
[caption id="attachment_11327" align="alignnone" width="690"] L'objectif de Touroumou Touroumou, outre de produire de la musique en studio, est aussi et avant tout de jouer et partager avec le public dans une formation flexible de deux à huit musiciens.[/caption]
Quelles sont les perspectives du groupe « Touroumou Touroumou » ?
Nous sommes en répétition pour pouvoir nous produire au moins à six musiciens sur scène. C’est la vraie formation en orchestre afro beat avec Tiphaine Deligne au balafon, Sory Papus Diabaté à la basse, Karamo Diabaté à la batterie, Yaya Dembakanté à la guitare, Tiemes Kanté au djembé, Boubabacar Danté au doun doun et aux tama. Le but de cette formation est de tourner dans des salles et des festivals du monde entier. Mais comme les conditions actuelles ne le permettent pas encore, nous sommes sollicités pour jouer en petite formation. Nous serons au festival de l’association Horoyasso le 17 juillet à Pantin, ou encore au festival du Bab Ilo le 31 juillet dans le 18ème à Paris.
Que racontez-vous dans votre musique ?
Dans notre musique, nous chantons dans plusieurs langues. Nous chantons en français, en soussou et en malinké (dialectes guinéens NDLR). Certains morceaux expriment des constats amers de nos sociétés modernes (comme les titres Blessé ou Koron Koron) - d’autres donnent des conseils (comme Abékiniana, Sodia, Il n’est jamais trop tard). Nous chantons la vie et ses travers (exemple la chanson : On veut vivre). Mais nous faisons aussi des hommages aux anciens (Sididou, Djelia).
Avez-vous deux sujets qui vous tiennent à cœur ? Souhaiteriez-vous en parler ici, à nos lecteurs ?
Oui, nous pouvons faire la promotion du respect. Car, c’est une chose tellement importante et qui n’est pas si évidente. Le respect de soi-même ainsi que le respect de ceux qui nous entourent. C’est la base de la communication et de tout bon rapport humain. D’où que l’on vienne, quel que soit notre âge, notre sexe, notre couleur, notre différence, respectons nous pour le meilleur.
On veut aussi parler de la solidarité. Notre époque est toujours aussi cruelle. Les écarts de richesse n’ont jamais été aussi importants. Il y a des riches partout, mais surtout des pauvres sur la planète. L’avenir de l’humanité ne pourra évoluer qu’avec le partage et une forme supérieure de solidarité entre les peuples et les espèces. La Terre est un tout que l’on doit respecter, cultiver, et chérir pour le bien de tous.