Moussa Moïse Sylla est nommé le 13 mars 2024. Il fut ancien journaliste et premier responsable de la Direction de la Communication et de l'Information de la Présidence de la République de Guinée
25 March, 2025

Moussa Moïse : "La diplomatie culturelle, notre soft power"

 

La République de Guinée, pays d'Afrique de l'Ouest aux paysages flamboyants et à la culture millénaire, sera l'invitée d'honneur de la 17e édition du Festival des Musiques Urbaines d'Anoumabo (FEMUA) qui se tiendra en Côte d'Ivoire, du 15 au 20 avril 2025. Cette manifestation majeure de la scène artistique africaine met à l'honneur chaque année un pays à la riche tradition culturelle et doté d'une forte créativité.

 

En prélude à cet événement culturel d'envergure, le Ministre guinéen de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat, Moussa Moïse Sylla, a bien voulu accorder une interview exclusive à SITANEWS. Cette entrevue nous plonge dans le trésor culturel et dans la dynamique artistique de la Guinée, ainsi que les enjeux de sa participation d'honneur au FEMUA 2025. Lisez plutôt !


Temps de lecture : 10 minutes

 

SITANEWS : Monsieur le Ministre, que représente la participation de la Guinée en tant que pays invité d'honneur au FEMUA 17 ?

 

Moussa Moïse Sylla : « Cette participation constitue, au-delà de l'honneur fait à la République de Guinée, une opportunité importante pour l'ensemble du secteur culturel du pays, notamment nos artistes et nos entrepreneurs culturels. C'est aussi une aubaine pour nos artisans. C'est l'occasion de promouvoir la destination Guinée. Au-delà de l'aspect musical, il y a des opportunités en termes d'investissement qui s'attachent à une telle participation. Le FEMUA, au fil des années, est devenu un grand marché culturel mais aussi économique. »

 

Comment cette invitation a-t-elle été obtenue ?

 

« C'est l'aboutissement d'un certain lobbying, mais aussi du rétablissement d'une certaine justice à l'égard de la Guinée. Nous avons été pendant de longues années un pôle d'attraction culturelle. La Guinée a fait les beaux jours du continent africain sur le plan artistique et culturel. Nous avons eu de grands groupes (ndlr : les Ballets Africains de la République de Guinée, le Ballet National Djoliba, le Bembeya Jazz National, etc.) qui ont émerveillé toutes les grandes scènes du monde. Nous étions un peu restés dans l'ombre pendant quelques années. Et depuis septembre 2021, à l'avènement du Président Mamadi Doumbouya à la tête du pays, la culture guinéenne reprend de plus en plus la place qui lui revient de droit.

 

" C'est l'engagement politique du Chef

de l'État qui a payé..."

 

Ce n'est pas fortuit que la Culture vienne en deuxième position, sur les 5 axes prioritaires de la vision du développement du Président de la République alignés sur les quinze (15) prochaines années. C'est pour vous dire tout l'intérêt qu'il accorde à ce secteur. Donc, cela signifie que la volonté politique que les acteurs culturels demandaient de plus en plus depuis la fin du premier régime, renaît. Notre Président prend le secteur culturel à bras-le-corps. Il, lui-même donne de beaux exemples, et ils sont nombreux. Je ne peux pas les citer tous, mais ces exemples ont porté sur des réformes qui ont donné des résultats.

 

Je pense que c'est l'engagement politique du Président de la République qui a payé. Raison pour laquelle, les échos sont parvenus à A'SALFO (ndlr : le commissaire général du FEMUA) en Côte d'Ivoire. Il s'est dit qu'il se passe des choses extraordinaires en République de Guinée. Il s'est dit : "Pourquoi ne pas donner l'occasion au monde de découvrir la nouvelle Guinée ?" Celle qui revient de très loin et qui compte bien occuper la place qui lui revient de droit sur la scène culturelle internationale. »

 

Quels sont les principaux acteurs impliqués dans la préparation de la participation de la Guinée au FEMUA 17 ?

 

« Au sein du ministère de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat, nous avons plusieurs entités, des EPA (Établissements Publics à caractère Administratif), et des services d'appui. J'ai pour habitude de faire travailler tout le monde ensemble pour créer une sorte de cohésion entre les différentes équipes. Il n'existe pas vraiment de cloison étanche entre les différentes directions du ministère. Cela permet à chacun d'exprimer ses idées, de partager sa vision et son expérience.

 

En dépit de ce travail collégial, il y a des responsabilités et des tâches que je confie à des personnes et à des entités. Par exemple, le Service national des Industries Culturelles et Créatives (ICC) est le carrefour de tout ce qui intervient dans le monde culturel. Mais au-delà de cela, ce service a pour rôle de travailler en parfaite collaboration avec l'ensemble des structures du ministère, afin que nous puissions avoir un canevas d'actions pour la participation de la Guinée au FEMUA.

 

" (...) Des réunions se tiennent pour tout calibrer"

 

C'est pour vous dire que les ICC travaillent avec le FODAC (Fonds de Développement des Arts et de la Culture), avec le BGDA (Bureau Guinéen du Droit d'Auteur) et avec l'AGS (Agence Guinéenne de Spectacles), entre autres. Et puis, le Ministre lui-même et son Cabinet suivent de près le bon fonctionnement des choses. À cet effet, des réunions se tiennent régulièrement pour tout calibrer, voir tous les paramètres et s'assurer que nous n'oublions absolument aucun détail. Tout cela dans le but que la participation tant attendue de la Guinée puisse se faire de la plus belle des manières et qu'elle soit un véritable succès. »

 

Au-delà de la musique, quels autres aspects de la culture seront mis en avant au FEMUA pour une attraction à la participation de la Guinée ?

 

« Nous profiterons de ce festival pour dérouler, vulgariser et sensibiliser autour du programme « SIMANDOU 2040 ». Nous avons aujourd'hui dans notre pays l'un des plus grands projets miniers au monde, le Projet SIMANDOU, qui est en bonne voie. Le premier train de minerai va prendre la route avant la fin de cette année, constituant ainsi une véritable opportunité économique pour l'ensemble du pays et pour tous les Guinéens.

 

"Tous les secteurs vitaux de la nation sont pris en compte dans la vision du Chef de l'État"

 

Parallèlement à ce vaste projet, le Président de la République a travaillé sur un programme de développement pour la Guinée. Ce programme ne se limite pas aux seules ressources minières, mais sera également porté par les retombées et les bénéfices du secteur minier, notamment du Projet SIMANDOU. Il s'agira donc d'expliquer cette vision, les cinq (5) axes prioritaires et comment ils s'articulent, sans pour autant établir un ordre de préséance. En analysant ces 5 axes, on constate que tous les aspects importants ainsi que les secteurs vitaux de la nation sont pris en compte dans la vision du Chef de l'État.

 

Ce sera l'occasion pour nous, lors de ce festival, d'expliquer cette vision du Président de la République et de faire la distinction entre leProjet SIMANDOU et le Programme SIMANDOU 2040. Nous avons décidé d'appeler notre vision de développement sur les 15 prochaines années : « SIMANDOU ». Nous aurions pu l'appeler « KASSA » ou encore « MAMOU », mais nous avons opté pour « SIMANDOU », qui a une connotation propre à la République de Guinée.

 

Le FEMUA sera également une opportunité pour permettre à nos Petites et Moyennes Entreprises (PME) de faire des affaires. Nos teinturières et nos artisans auront l'occasion d'exposer nos produits artisanaux. Nous avons réussi, avec l'appui de nos partenaires, à faire protéger et labelliser le lépi (pagne indigo, textile guinéen), qui a une indication géographique bien définie et est reconnu comme une richesse culturelle de la République de Guinée.

 

"Nos tissus locaux, nos sculptures d'art seront exposés "

 

Le lépi et les autres tissus locaux seront mis en avant lors de ce festival. Cela fait aussi une économie pour nos artisans, sans parler des sculptures d'art que nous exposerons également. Ce sera ensuite l'occasion de mettre en avant la gastronomie locale et les différents mets des quatre (4) régions naturelles du pays. Toutes ces "petites" actions, mises ensemble, formeront quelque chose d'important pour ces personnes qui vivent de leur travail. Donc, au-delà du volet musical, voici les autres aspects énumérés qui valoriseront notre pays, la Guinée.

 

Enfin, le thème choisi cette année est : "Civisme et Sécurité Routière". Cette thématique permettra d'échanger, notamment avec mon homologue ivoirien du ministère des Transports, sur l'expérience de la Guinée et les actions de prévention et de sensibilisation menées pour lutter contre ce fléau. »

 

Ce qui veut dire que des panels et des rencontres B2B (Business to business) seront à votre agenda ?

 

« Oui ! Évidemment, des rencontres B2B et des panels sont prévus. Par exemple, au niveau de l'Office National du Tourisme (ONT), des échanges auront lieu autour des possibilités et des avantages que notre code de l'investissement offre aux investisseurs dans le secteur du tourisme et de l'hôtellerie. Des échanges vont porter sur ce point pour attirer de potentiels investisseurs sur ces secteurs majeurs dans notre pays. Comment développer l'écotourisme dans notre pays ? Quels sont les avantages ? Quels sont les atouts de la République de Guinée qui pourraient intéresser les potentiels investisseurs ? Autant de sujets qui seront discutés. D'autres rencontres pourraient avoir lieu avec des partenaires. »

 

Monsieur le Ministre, quels sont les bénéfices que la Guinée espère tirer de sa participation au FEMUA, notamment en matière de promotion culturelle et touristique ?

 

« Il y aura des opportunités économiques et touristiques. Nous pourrons tirer des investissements dans les industries culturelles créatives de la République de Guinée. Nous aurons l'occasion de montrer le potentiel guinéen. Une vidéo promotionnelle de notre pays est en cours de production et sera diffusée. Cela permettra aussi de stimuler l'intérêt pour le tourisme culturel. Cela mettra en avant la capitale Conakry, l'intérieur du pays avec l'ensemble des beaux sites touristiques et culturels que nous avons. 

 

"Nous mettrons en avant notre diplomatie culturelle"

 

Un autre bénéfice non négligeable, c'est la visibilité de notre nation. Nous avons une nation, comme la plupart des pays d'Afrique, qui souffre de stéréotypes. On donne plus de visibilité à des actions négatives comme un pneu brûlé sur la chaussée qu'à l'inauguration d'une école ou à la construction d'un pont par le Président. Ce festival sera donc l'occasion de promouvoir la véritable image de la République de Guinée, celle qui bouge, qui innove, qui fait des réformes et qui obtient des résultats.

 

Nous mettrons en avant notre diplomatie culturelle, qui est un excellent élément de "Soft Power". De plus, nous pourrons sensibiliser la jeunesse africaine aux valeurs et à l'histoire de la République de Guinée afin de mieux nous faire connaître. Par exemple, en présentant un symbole de notre patrimoine comme « l'Homme oiseau ». Ce sera peut-être la première fois que les Ivoiriens découvriront ce qu'est réellement « l'Homme oiseau ». Ils ne connaissent pas assez l'histoire de « D'mba » ou du « masque Nimba ». Ce sera l'occasion de les sensibiliser à ce sujet.

 

Nous allons promouvoir la Guinée dans son ensemble au FEMUA comme une véritable terre de créativité. Nous aurons aussi de jeunes talents évoluant dans les TIC (Technologies de l'Information et de la Communication) qui réussissent à changer la donne en Guinée. Comme pour dire : qu'on peut naître, grandir ici et réussir à faire de belles choses. »

 

Et c'est parti pour renforcer les échanges culturels entre la Guinée et la Côte d'Ivoire ?

 

« Tout à fait ! Déjà, vous remarquerez qu'il y a plusieurs événements artistiques et culturels qui se tiennent en Guinée et en Côte d'Ivoire. Vice versa, nos artistes sont invités et des Ivoiriens aussi sont beaucoup plus invités notamment dans le domaine de l'humour. Sur le plan musical, vous avez de nombreux artistes chanteurs ivoiriens qui viennent en Guinée se produire dans des spectacles organisés par des promoteurs culturels du pays. Donc, le FEMUA sera une occasion de plus pour renforcer ce pont culturel qui existe entre nos deux pays. »

 

La Guinée envisage-t-elle, après sa participation au FEMUA, de mettre en place à l'avenir un festival musical d'envergure ?

 

« J'entends quelques critiques, à juste titre. Peut-être est-ce la bonne foi qui anime les auteurs de ces critiques, qui nous reprochent de ne pas créer ici un écosystème favorisant l'émergence d'un festival capable d'accueillir le monde chaque année. Il faut rappeler que l'État est certes une continuité, mais la Guinée n'a pas commencé son histoire en 2021, à l'avènement du Président Mamadi Doumbouya. La Guinée existait avant le 5 septembre. C'est vrai que les réformes sont importantes. C'est pourquoi on nous demande beaucoup. Nous commençons à comprendre qu'il était possible pour les autres dirigeants de faire plus que ce que nous faisons aujourd'hui. La volonté politique est là !

 

Les festivals capables d'attirer le monde entier en République de Guinée sont possibles. L'État soutient déjà de nombreuses organisations artistiques, notamment en termes de festivals. Dans le domaine littéraire, nous apportons un accompagnement technique et financier pour promouvoir le Livre et la lecture. À ce niveau, la Guinée est bien positionnée dans le secteur de l'industrie littéraire. Parlant de la beauté, nous apportons également un appui au comité Miss Guinée. Je ne parle pas des autres festivals pour lesquels nous avons des appuis symboliques. Mais, nous avons donné le ton du démarrage de tous ces grands événements avec le Festival International du Djembé, qui était l'ancienne biennale internationale de percussions, dont la dernière édition date de 1999. 

 

"La Guinée ne fait pas que participer à des tapis rouges à l'étranger"

 

Pour la relance du Festival International du Djembé, nous avons mis la barre très (très) haut, en invitant 18 pays. Vous avez vu le résultat que cela a donné. C'est une biennale et il se tiendra également en 2026. Mais, cette année, il y aura plusieurs festivals de grande envergure qui sont programmés. 

 

Vous avez également le Festival National des Arts et de la Culture (FENAC) dont la 20ème édition se tiendra cette année, Inchallah, à Koundara (ndlr : à plus de 500 km par la route de Conakry et située à une vingtaine de kilomètres de la frontière sénégalaise) et qui n'est pas des moindres. Il sera précédé par la Quinzaine Artistique, et cela fait travailler toutes les sous-préfectures et les préfectures du pays.

 

Il faut rappeler que le FENAC a été créé sous le premier régime. Donc, c'est vraiment tout le pays qui va être en émulation avec ces festivals, cette année. Ceci dit, la Guinée ne fait pas que participer à des tapis rouges à l'étranger. Nous tentons également de promouvoir nos festivals à l'interne. La critique est aisée, le talent est rare.»

 

Nous sommes à la fin de cette interview. Quel est votre message à l'intention de tous ces artistes, ces acteurs culturels et surtout du public qui prendront part au FEMUA 17 ?

 

« Je voudrais dire à tous nos compatriotes vivant en Côte d'Ivoire, que nous comptons sur eux pour nous réserver un accueil chaleureux. Venez découvrir ou redécouvrir et célébrer avec nous la richesse de la culture guinéenne en visitant nos stands et en participant à nos différentes activités. Nous apportons avec nous tout ce qu'il y a de beau, d'extraordinaire et de magnifique, le meilleur de notre art, de notre artisanat, de notre gastronomie et de notre patrimoine touristique. Ensemble, faisons rayonner la Guinée dans toute sa splendeur.

 

À nos frères et sœurs de Côte d'Ivoire, le FEMUA 17 sera une occasion de plonger au cœur de la richesse culturelle de la Guinée, pays invité d'honneur. Venez découvrir notre folklore, nos percussions, nos danses, nos textiles, notre patrimoine exceptionnel. Les Ivoiriens connaissent l'importance de la Guinée dans le domaine culturel. Elle renaît, se redresse et est déterminée à retrouver sa place d'autrefois. Bon FEMUA à tous ! »

 

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Interview réalisée par Aly Bongo LENO

Pour Sitanews.net

 

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