A l’occasion de la sortie de son nouvel EP
Tables Will Turn, réalisé entièrement sans instrument, Africultures a rencontré l’artiste sénégalais Faada Freddy à Paris. Du rap à la musique organique qu’il nomme aussi
“musique bio”, l’ancien membre des Daara J Family nous parle de son parcours aux influences gospel, pop, soul et de ses projets aux accents d’amour, de révolution et de liberté.
Lien important : https://youtu.be/cbw0Xo3j5_0
Faada Freddy, 8 ans après ton premier album solo Gospel Journey, que tu as interprété sur de nombreuses scènes en France et à l’international, tu reviens avec un nouveau projet encore plus “organique”. Dis-nous en plus !
Faada Freddy : Oui c’est un projet de nouvel album dont 6 titres sont déjà disponibles sur les plateformes de streaming. Parmi eux figurent “
Golden Cages” et “
Tables will turn” deux morceaux qui me tiennent particulièrement à coeur. Dans le premier album, j’ai exploré tout ce que je pouvais faire avec ma voix et le corps comme instruments, mes inspirations étaient plutôt tournées vers le Gospel. Pour ce projet, j’ai eu envie de pousser l’organique encore plus loin, à son paroxysme même ! (rires). Une sorte de musique “bio” sans instrument, juste des voix et des vibrations.
Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de revenir sur le devant de la scène et comment est né “Tables will turn” ?
Après une grosse tournée pour mon premier album, le Covid est arrivé. Ça nous a tous un peu cloués au sol. Nous avons collectivement traversé une sacrée période… Je veux dire certains ont développé une sorte de déprime, d’autres ont accusé un divorce, une séparation, d’autres se sont mis à avoir peur de leur voisin. Cela a été vraiment difficile et j’avais envie de revenir avec un projet positif, mature et qui est en adéquation avec ce que je sais faire de mieux : de la musique sans instrument. On se trouve également dans une industrie musicale où l’on a besoin les uns des autres ; où on a de plus en plus de choses formatées et dictées or je voulais être moi-même, que mes émotions soient mises à nu.
Tables will turn veut tout simplement dire que
le vent va tourner, et qu’il va souffler de ton côté. Ce que je dis dans ce morceau c’est que “aussi longue soit la nuit, le soleil la suit toujours”. Même si on traverse des périodes sombres, troubles, elles finissent toujours par apporter quelque chose de positif.
Tu te situes au carrefour d’influences multiples (pas forcément identifiées comme sénégalaises d’ailleurs). Qu’est-ce qui t’a poussé à te frayer un chemin vers une musique plus “dénudée”.
Je crois que j’ai un rapport particulier à la musique déjà car j’ai commencé par chanter pour ma grand-mère, à l’âge de quatre ans, à la télé. C’était une chanson d’amour, une sorte de déclaration que je lui faisais, un appel du cœur. Ensuite, vers mes sept ans, j’ai été repéré par le maître de chœur de l’école qui m’a mis en lead de la chorale. J’ai alors découvert mon potentiel vocal et l’ai un peu plus exploré. A la maison on écoutait de la Soul, du Jazz, des artistes Motown (Millie Jackson, Billie Holiday, Marcus Miller…), il y avait un rapport presque charnel avec ces chansons. Puis, au début des années 90, j’ai commencé à rapper avec mon meilleur ami Ndongo. On a d’abord créé le groupe
Lion Klan et les
Daara J Family, après avoir fait la rencontre de Lord Aladji Man. C’est ce qui m’a vraiment formé : le hip-hop. Grâce à ce mouvement, j’ai compris que je pouvais faire du beatbox, rapper, chanter a capella et même scat(er) ! Plus tard, j’ai utilisé ce que j’ai appris dans la rue et dans le rap pour créer quelque chose de plus personnel, le mélanger à des influences soul et pop.
Le rap au Sénégal vit des heures assez bouillonnantes, en termes d’engagement cela t’inspire-t-il pour ta musique ?
Dans cet album je parle de révolution mais plutôt de façon globale car je crois que c’est l’ensemble de l’humanité qui doit être attentive aux changements en cours (sourire). Dans le morceau “
Golden cages”, je dis
“you’ve got the right to vote still you are treated like a servant, there is no justice with a knee on your throat… ” parce qu’un jour à la télévision internationale il m’a été donné de voir un policier avec son genou sur la gorge de Georges Floyd et j’en ai été horrifié. La musique n’est pas là que pour divertir, elle rappelle que l’humanité n’est qu’un seul corps. Quand l’un de nous est touché, tous les autres le sont à des degrés divers.
Je parle également de l’intelligence artificielle, de ses bénéfices et de ses dérives car la science sans conscience peut ruiner l’âme. Dans une société qui bat à toute vitesse, il est facile de vaciller, de s’enfermer dans une course, une cage dorée ou dans un monde sans communication. J’interpelle donc un peu mon public sur ces questions là.
300 dates partout en Europe et en Afrique avec ton précédent album, quel est ton objectif pour celui à venir ?
Mes choristes et moi allons continuer à scruter le monde ! Il y a des demandes en France, en Belgique, en Allemagne, aux États-Unis et ailleurs. Cet album j’aimerais vraiment l’emmener un peu partout dans le monde pour l’amour du partage. Avec nos différents passeports, nos différentes nationalités, religions, il y a toujours un espoir de ne faire qu’un et de recomposer la famille de l’humanité !
À VOIR :
https://youtu.be/gAk86tPhQ-g
Découvrir l’EP :
https://www.youtube.com/@FaadaFreddy
Propos recueillis par Samba Doucouré, interview retranscrite par Arona Ba et Marine Durand.
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