A'SALFO / © MCTA
25 March, 2025

A'SALFO en Guinée : "Nous ne nous sommes pas trompés"

 

INTERVIEW. Dans le cadre de la 17e édition du Festival des Musiques Urbaines d'Anoumabo (FEMUA 17), le Commissaire Général Salif Traoré "A'SALFO" et sa délégation étaient à Conakry. Cela, pour la cérémonie de lancement de la Guinée, pays invité d'honneur, dont le thème est : « Civisme et Sécurité routière ». Cet événement se tiendra du 15 au 20 avril 2025 à Abidjan et à Daloa, ville décentralisée. À cette occasion, le leader du groupe ivoirien Magic System a accordé à votre quotidien en ligne SITANEWS.NET, une interview exclusive. Il nous a parlé du choix de la Guinée, des collaborations culturelles mais aussi des défis que les artistes guinéens doivent relever pour mieux exporter leur musique sur la scène internationale. Lisez illico, in extenso cette grande entrevue !


Temps de lecture: - 10 minutes

Diffusion exclusive 

 

SITANEWS : Monsieur le Commissaire Général Salif Traoré "A'SALFO", merci d'avoir accepté cet entretien. Pour commencer, quelles sont vos impressions après avoir été reçu par le ministre guinéen de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat et des plus hautes autorités guinéennes ?

 

A'SALFO : « Mes impressions sont très satisfaisantes. Avec ce que nous vivons, cela vient confirmer notre choix de la République de Guinée comme pays invité d'honneur. C'est une dynamique qui a été créée déjà par les autorités guinéennes. Nous avons jugé opportun de pouvoir nous inscrire dans cet élan en invitant la Guinée pour nous exposer ses richesses tant sur le plan culturel, touristique et gastronomique. Donc, avec l'engouement qu'il y a, et avec l'implication des autorités jusqu'au plus haut niveau, on se dit que le choix était bon. Nous ne nous sommes pas trompés. »

 

© Photo officielle de la Présidence de la République de Guinée : A'SALFO a été reçu en audience par le Président Mamadi Doumbouya à droite et le ministre de la Culture, du Tourisme et de l'Artisanat Moussa Moise Sylla à gauche sur la photo


 

SITANEWS : Je vais vous poser cette question qui revient très souvent. Pour nos les lecteurs, qu'est-ce qui a motivé le choix de la République de Guinée comme pays invité d'honneur cette année ?

 

"La Guinée au FEMUA, va être quelque chose de fort »

 

A'SALFO : « Déjà, par le rapprochement des deux pays, et cela ne date pas d'aujourd'hui. C'est historique ! Je parle toujours des pères fondateurs depuis Félix Houphouët-Boigny et Ahmed Sékou Touré. En plus de cela, les deux peuples ont toujours cohabité. La preuve, la diaspora ivoirienne en Guinée est importante et vice versa. Pour nous, ce sont deux pays intégrés. Il fallait que la Culture vienne aussi renforcer ces liens. On peut passer par la Culture pour rapprocher davantage nos peuples. La Guinée au FEMUA, je crois que ça va être quelque chose de fort. »

 

SITANEWS : Selon vous, quel impact la participation de la Guinée peut-elle avoir sur les artistes et l'industrie musicale du pays ?

 

A'SALFO : « Tout d'abord, l'impact sera en termes du branding pays. Avec le FEMUA, il y a une forte présence des médias nationaux et internationaux. Cela permettra à la Guinée d'exposer ses artistes, ses artisans et ses talents, et ainsi de mieux faire connaître ses produits. Le FEMUA offrira également une plateforme de tremplin pour de nouveaux talents guinéens. Cela renforcera les relations entre la Guinée et la Côte d'Ivoire dans cette sous-région dynamique. Sur le plan de la visibilité, le FEMUA sera une excellente opportunité de promouvoir l'image de marque de la Guinée et des projets comme « Simandou 2040 ». Donc l'impact sera très positif pour donner de la visibilité et valoriser l'image du pays. »

 

SITANEWS : Au-delà de la musique, le FEMUA est aussi un festival engagé pour la jeunesse et l'éducation. Quelle est votre satisfaction à ce sujet ?

 

A'SALFO : « Au début, nous craignions que les jeunes viennent seulement pour les concerts et ne s'impliquent pas dans les thématiques importantes. Mais aujourd'hui, les activités "Carrefour jeunesse" et "FEMUA Kids" sont devenues essentielles et indissociables du festival. C'est ma fierté de voir une jeunesse consciente qui a compris qu'il ne faut pas seulement chanter et danser, mais aussi se former, partager des expériences et prendre conscience des enjeux. Nous avons réussi à allier la musique au social, c'est vraiment l'essence du FEMUA. »

 

SITANEWS : Le thème de ce FEMUA 17 est : "Civisme et Sécurité routière". C'est un véritable sujet d'actualité quand on sait que la route tue autant que certaines maladies. Quel est votre constat et quel message souhaitez-vous faire passer ?

 

" (...) si rien n'est fait,... "

 

A'SALFO : « Oui, c'est vrai. Vous savez, on ne peut pas choisir un thème sans avoir fait une étude approfondie, sans avoir lu des rapports liés à ce thème. Dans les années 2010, on dénombrait 830 tués sur les routes. Aujourd'hui, en 2025, soit 15 ans plus tard, nous en sommes à près de 1 400 morts. On nous dit que si rien n'est fait, nous atteindrons 3 000 morts sur nos routes en 2030. Les victimes comme les coupables sont souvent de jeunes personnes. Il ne faut pas que la jeunesse, qui est la force de l'Afrique, devienne une menace. C'est donc à ces jeunes qu'il faut s'adresser. Comme leur domaine de prédilection est le sport et la musique, il fallait passer par ces canaux pour faire passer le message de sensibilisation. Si on parle de sécurité routière, il faut aussi parler de civisme, car seul le civisme peut nous amener à respecter le code de la route. »

 

SITANEWS : Outre le FEMUA, envisagez-vous d'autres collaborations artistiques et culturelles avec la République de Guinée ?

 

A'SALFO : « Le but du FEMUA, c'est justement de permettre le partage d'expériences et de sceller des partenariats avec les pays invités. Je serai très heureux d'apprendre qu'un festival à l'image du FEMUA a été créé en Guinée. J'en ai d'ailleurs discuté avec certaines autorités, sans vouloir les nommer car il est préférable d'attendre que les projets aboutissent avant de les évoquer publiquement [rires].

 

"J'aimerais voir un festival de grande envergure se développer en Guinée"

 

L'idée serait que la Guinée ait son propre festival de musique, qui pourrait accueillir chaque année des artistes internationaux à Conakry. La musique est à la Culture ce que le football est aux Sports. Il faut donc avoir un festival de référence. Comme l'a fait le Bénin avec le FEMUA, j'aimerais voir un festival de grande envergure se développer en Guinée. Dans la vision du FEMUA, les années à venir, l'objectif est de pouvoir le décentraliser dans différentes capitales, à commencer par celles qui se sont déjà déplacées au FEMUA (NDLR Ouagadougou, Dakar, Kinshasa, Lomé, Bissau). »

 

SITANEWS : De nombreux artistes sur le continent sont confrontés à d'énormes difficultés dans la gestion de leur carrière. Avec votre expérience, quels sont les défis que les artistes guinéens doivent relever pour mieux exporter leur musique sur la scène internationale ?

 

A'SALFO : « C'est d'abord la formation. Aujourd'hui, même pour couper des feuilles de cocotier, il faut se former. C'est la réadaptation, car on refuse de sortir de nos vieilles habitudes. Nous ne sommes plus à l'ère du disque ou de la cassette [rires]. La musique a toujours évolué. Avant notre arrivée, les gens écoutaient les vinyles, les 45 tours et les 33 tours. Nous sommes à l'ère du numérique, de l'intelligence artificielle. Donc les artistes doivent déjà se former pour cela. Numériquement, il y a une fracture. Il faut que les artistes guinéens se forment. On n'a pas besoin, comme à l'époque de Magic System, même si ce n'est pas un passé si lointain, d'être obligé de prendre l'avion pour aller se promouvoir dans une chaîne de radio et de télévision française. 

 

"La méthodologie a changé"

 

Aujourd'hui, on peut rester à Conakry et passer sur des médias américains. Mais c'est quoi ? C'est la réadaptation, car aujourd'hui, l'intelligence artificielle est devenue un outil important. La numérisation, la digitalisation font partie intégrante de tout artiste qui veut mettre une carrière en place. Il va falloir que les artistes se mettent à cela. Moi, je vois des gens qui me disent : "Je vais faire un album de quatorze (14) titres". Deux, trois mois après, ils reviennent avec un CD de quatorze titres. Je leur dis : « Merci, mais je le joue où ? » Puisque même les voitures sont fabriquées maintenant sans lecteur CD. « Je joue ton CD où ? » Je vais dans quel maquis où on va donner à un DJ pour jouer ? Même à la radio de nos jours, on va chercher les musiques sur Spotify ou Deezer (NDLR : les plateformes légales de téléchargement)". Donc, il faut que les gens comprennent que la méthodologie a changé. On a changé de paradigme. On est passé à autre chose. 

 

" (...) Le problème est là ! Il faut se réadapter "

 

Pour moi, on n'a pas besoin d'avoir un BAC+8 pour cela. La réadaptation, c'est maintenant ! Il y en a qui ne sont pas allés à l'école mais qui savent envoyer un mail. Aujourd'hui, avec l'intelligence artificielle, tout peut se faire. Pour des collaborations, nous avons fait des featurings en restant chez nous à la maison, on chante. L'autre personne est chez elle et chante aussi. Quand on sort, ça fait boom ! Le problème est là ! Il faut se réadapter. »

 

Cérémonie de lancement de la Guinée, pays invité d'honneur / Crédit Photo_MCTA

 

SITANEWS : Pour terminer, quel message adressez-vous aux artistes, acteurs culturels et à la diaspora guinéenne qui participeront au FEMUA 17 cette année en tant que pays invité d'honneur ?

 

A'SALFO : « Tout d'abord, à la nombreuse diaspora guinéenne basée à Abidjan et ailleurs, si vous avez un programme pour les congés de Pâques, ne cherchez pas plus loin. Venez à Abidjan, à l'Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS) à Marcory, car toute la Guinée s'y trouvera. La Guinée culturelle en particulier. 

 

Pour tous les artistes et acteurs culturels qui viendront au FEMUA 17, qu'ils sachent qu'ils ne viennent pas dans un esprit de compétition. Ils viennent pour mettre en valeur le mieux possible le produit culturel guinéen. Qu'ils se préparent, répètent bien et qu'ils laissent une bonne impression lorsqu'ils repartiront d'Abidjan. Sur ce, nous les attendons à bras ouverts. Nous allons réserver également à la délégation guinéenne un accueil au moins aussi chaleureux que celui que la République de Guinée nous a réservé ici. »

 

SITANEWS : Merci monsieur le Commissaire Général Salif Traoré "A'SALFO" et à bientôt !

 

A'SALFO : « De rien. Merci à vous aussi. Bon Ramadan et bon Carême à vous, lecteurs. »

 

Interview réalisée par Aly Bongo LÉNO

Pour Sitanews.net

alyleno2016@gmail.com

 

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